C) Retrouver l’Espoir

Le peuple haïtien ne demande pas qu’on lui décroche la lune. Il demande seulement à vivre. Il cherche des raisons d’espérer.

1-La patience active du graduel planifie. Il nous faut prendre la détresse populaire au sérieux, et nous mesurer à la crise pour répondre, par étapes planifiées, aux aspirations et aux besoins du pays profond, tout en contenant, par des satisfactions graduelles, la poussée des impatiences, légitimes mais souvent aveugles. Par exemple nous ne pouvons résoudre ni en 6 mois ni en 3 ans des problèmes comme la faim, mais des notre premier jour au gouvernement, nous allons nous atteler résolument au travail pour que vienne, le plutôt  possible, le jour ou chaque haïtien pourra manger au moins une fois par jour. Ceci réalisé, on visera deux fois par jour pour chacun, en une deuxième étape. Nous sommes une société de paysans, nous avons une « économie paysanne » au sens ou l’entendrait Daniel Thorner, popularisé par Fernand Braudel, c’est-à-dire « un modèle socio-économique global ou la vie rurale est dominante par rapport aux autres activités qui l’accompagnent nécessairement et qui d’ailleurs, peu à peu, vont grandir et se développer à ses dépens ». Or, le paysan sait, à la différence du citadin, que s’il veut manger du maïs, il lui faut d’abord sarcler et préparer sa terre, planter le maïs, et le laisser pousser, voir apparaître l’épi, laisser croître celui-ci jusqu'à maturité. Il sait donc qu’il y a un temps d’attente entre l’ensemencement et la récolte. C’est une des chances d’Haïti que nos paysans peuvent comprendre les délais d’attente patiente pour que toute nouvelle politique économique produise des résultats pour tous. L’essentiel c’est qu’il sache qu’on a planté pour espérer la venue plus tard de la récolte. L’impatience sera urbaine ou l’incitation à l’impatience sera d’origine urbaine.
2-L’existence de solutions possibles. Or il y a possibilité de solution du problème haïtien, et sans miracle, à condition, bien entendu, de le prendre au sérieux. De bons résultats d’expériences ponctuelles le montrent qui ne demandent qu’à être généralisées. De bonnes directions sont prises, qui demandent qu’à être soutenues et encouragées concrètement. Parmi les premiers, nous en évoquerons deux. Les coopératives pilotes des années 1950 permettaient de multiplier le rendement agricole de 1 à 6. Des entreprises agro-industrielles plus récentes ont eu pour effet modernisateur de multiplier le rendement agricole paysan des alentours de 1 à 8. Dans le domaine social, à Cité Soleil, dans l’espace social occupé par 150.000 personnes, le Complexe communautaire intégré, animé par le Dr Carlo Boulos, a vu diminuer la mortalité infantile de 180 à 50 pour 1.000 ! Parmi les seconds, la prise de conscience de la menace écologique a mené au cri d’alarme et à la campagne mobilisatrice de la FAN. Sur un autre plan, à l’initiative de René Laroche, la MUCI a commencé, avec succès, à recueillir l’épargne populaire en vue d’une politique de crédit et d’investissement, sous la forme opérationnelle d’une Mutuelle. On pourrait multiplier les exemples et allonger la liste des initiatives individuelles ou collectives qui sont la démonstration vivante que les solutions existent, dès qu’on veut prendre au sérieux les problèmes de ce pays.
3-Une direction pour trouver les chemins de l’espérance. Nous l’avions supputé, mais l’expérience concrète sur le terrain est venue le confirmer : ce pays a besoin d’une orientation claire, ce peuple est à la recherche d’une direction précise. Il n’a pas voulu sortir des sentiers battus ou il s’est embourbé dans l'ornière, et qui l’ont conduit à la déchéance actuelle, pour emprunter des voies sans issue qui l’amèneraient à l’impasse et à l’échec certain, même différé. Non désireux de changer pour changer, il veut changer pour vivre mieux en vivant autrement, et c’est pour cela qu’il entend baliser la voie du sauvetage collectif, tout en posant les jalons de la reconstruction nationale.