C) Pour Valoriser nos Ressources Humaines : Une meilleure santé Pour nos Hommes nos Femmes et nos Enfants

Les termes et données du problème de la santé en Haïti sont tout simplement alarmants : Il s’agit, en vérité, d’une tragédie silencieuse, enfermant l’homme haïtien dans le cercle vicieux pauvreté malnutrition maladies. Il y a, en effet, une relation directe entre la qualité de l’infrastructure agricole et industrielle et la qualité de l’état de santé en Haïti.
L’offre de santé est qualitativement inadéquate et qualitativement dérisoire. Le budget du Ministère de la Santé publique, largement un budget de salaires, représente, dans sa partie haïtienne, 8% des dépenses budgétaires de l’état contre 30% au ministère de l’intérieur (1984). N’étai-ce une véritable prise en charge de la couverture de la population en soins de santé par les programmes de coopération et les ONG, la situation serait encore plus catastrophique. Le nombre de médecins par habitants est de 1 pour 7.200 alors qu’en France, il est de 1 pour 500, aux USA de 1 pour 540, a Cuba de 1 pour 750. Le nombre de dentistes par habitants est de 1 pour 40.000 (1980). Un autre critère révélateur de l’offre de santé est le nombre d’hôpitaux par habitants. Il est de 1 lit pour 1095 (1984) alors qu’en France, il est de 1 lit pour 100 habitants. L’accès au médecin  est donc un privilège dans la réalité haïtienne Les plus simples campagnes de vaccination atteignent pour le mieux une couverture de 27% de la population infantile. Cela révèle un fait important dans l’offre de santé scientifique en Haïti, ce sont les disparités inégalités de couverture qu’elle comporte : inégalité d’accès au médecin (la moitié des médecins exercent dans la région port-au-princienne qui groupe à peine 20% de la population) ; inégalité devant la mort (l’espérance de vie moyenne est de 53 ans, mais elle peut tomber à 40 ans dans les cours des miracles de la périphérique urbaine ; la mortalité infantile est de 125 pour 1.000, mais elle peut atteindre 200 pour 1.000 dans les cités taudis ; le taux de mortalité urbaine est de 13,4 pour 1.000 mais rurale de 18.1). Notons en passant, pour mieux situer, à titre comparatif, le caractère dramatiquement insuffisant de l’offre de santé en Haïti, qu’à Trinidad-Tobago, l’espérance de vie est de 69 ans, en Jamaïque de 74 ans, en République Dominicaine de 67 ans et que le taux de mortalité infantile en Jamaïque  a été ramené à 20 pour 1.000. Mais il y a bien une dégradation générale de l’offre de santé chez nous au point qu’un médecin rapporte que la Faculté de Médecine d’Haïti, autrefois remarquable, a mérité d’être appelée « Papa Doc Université » et que les touristes parlent des services de l’Hôpital de l’Université en termes de pissoir pour le service d’urologie, de mauvaise boucherie pour le service de chirurgie et d’orthopédie, et de cabinet d’aisance mal entretenue pour le service de médecine et de pédiatrie.
Il est vrai que l’offre de santé est assurée dans les régions rurales par la médecine traditionnelle d’une part, sous la forme de la médecine familiale dont les recettes de santé sont transmises par voie orale et par la pratique coutumière de génération en génération (notamment les thés, les bains de feuille, les onguents etc.) et d’autre part, quand le cas semble dépasser la compétence des remèdes domestiques par le recours au docteur-feuilles dont la connaissance de la vertu des plantes médicales est précieuse à la campagne pour sauver des vies humaines. Mais comme la perception de la maladie dans le monde rural attribue souvent celle-ci à des phénomènes surnaturels, nombre de cas révèlent de l’offre de santé des hougans ou prêtres vaudou avec toute la panoplie de la thérapeutique vaudouesques. Il y a donc une offre de santé importante sinon toujours efficace, provenant de la médecine populaire par rapport à la médecine savante. Deux manières tantôt concurrentes, tantôt complémentaires (l’une servant parfois de référence et l’autre de recours) de se soigner. Le Ministère de la Santé Publique emploie 810 médecins pour 5 millions ½ d’habitants (il est vrai qu’il y a un secteur privé mais encore plus concentré à Port-au-Prince en dehors duquel il y a 1 médecin pour 10.000 habitants).
La demande de santé n’est donc pas satisfaite dans une trop large proportion. Avec un taux de moralité maternelle de 3.5 pour 1.000, on continue encore en Haïti d’enfanter dans la mort. Le cadre de vie et les conditions d’existence s’analysent en un environnement pathogène propice à l’éclosion, au développement et a la transmission des maladies de la pauvreté : maladies de la malnutrition, maladies diarrhéiques, parasitoses, malaria, tuberculose, infections de voies respiratoires. Quand on pense que seulement 12,6% de la population ont accès à l’eau potable courante (43,7% en ville et 0.7% à la campagne) et que la malnutrition protéino-calorique affecte plus de 60% des enfants haïtiens d’age préscolaire, il est à craindre que sans une politique de la santé inscrit dans la Constitution risque de rester lettre morte.
Aussi, le pouvoir RDNP est-il déterminé à manifester dans les faits sa volonté d’assurer une meilleure santé pour nos hommes, nos femmes et nos enfants. Les principes d’une politique de santé en Haïti sont les suivants :
Une approche communautaire impliquant la participation des populations concernées pour rompre le colloque singulier du médecin et de son patient en faveur d’une rencontre entre la médecine et la sociologie.
Une orientation prioritaire vers la spécialisation en médecine tropicale pour avoir une médecine plus appropriée au pays et plus adaptée aux cas à traiter, dans la formation du médecin généraliste.
Un mariage entre médecine populaire et médecine savante pour récupérer au profit de la médecine scientifique moderne la capacité curative de la médecine traditionnelle.
La priorité à la prévention médicale pour dépister la maladie et les sources de maladies. Par exemple, mieux organiser les campagnes de vaccination obligatoire pour le tétanos, la tuberculose, la coqueluche, la poliomyélite, la rougeole, la diphtérie etc. Mais la prévention comprend aussi la généralisation de l’eau potable, la latrinisation, l’assainissement, le contrôle sanitaire des produits de consommation, l’éducation sanitaire par une campagne d’information et de formation utilisant les Maisons du Peuple et les mass media, la conscience de la nécessité de l’hygiène du milieu.
La priorité aux soins de santé primaires grâce à un réseau de distribution de soins primaire quadrillant le pays tout entier et assurant la gratuité des soins de santé primaire.
Une concentration, dans la médecine curative, de la lutte contre les fléaux sociaux en Haïti que sont la malnutrition et ses maladies, la malaria, la tuberculose, les parasitoses, les diarrhées, le SIDA etc. toutes sortes de maladies à l’état endémique ou épidémique chez nous.
L’utilisation plus systématique des agents de santé, auxiliaires de santé, personnel paramédical pour la couverture de la population.
L’association au caractère dominant de la médecine libérale privée, d’une rallonge de service national à titre complémentaire, pour modifier la relation entre l’offre et la demande dans le sens d’une plus grande contribution des médecins à l’œuvre commune de justice sociale. Cette rallonge prendra la forme d’un quota de patients gratuits sur la liste du médecin dans sa clinique privée comme une addition marginale et sur une base de libre choix de la part du consommateur de santé. Cela aurait pour vertu subsidiaire d’encourager la tendance à la substitution partielle aux soins d’hôpital des soins en cabinet.
Enfin, la régionalisation de l’offre pour la demande de soins paraît être la meilleure forme d’une desserte effective et d’une couverture totale. Elle est d’ailleurs conforme à notre option régionale pour la décentralisation. Dans le cadre d’un plan de médicalisation, on pourra ainsi dresser une nouvelle carte sanitaire qui enregistrera la volonté politique de satisfaire la demande de santé par une action sociale appropriée tant dans son domaine propre (le système hospitalier public) que dans le domaine du secteur privé, chasse gardée de la médecine libérale. Actuellement, le Ministère de la Santé publique a adopté le système de la régionalisation. Encore faut-il donner vie à ces régions et ne pas simplement créer une série de coquilles vides.
Sur la basse de ces principes et compte tenu du bilan de santé actuellement désastreux du pays, l’organisation de la santé publique en Haïti la plus susceptible de répondre aux besoins de la population et assurer l’optimum de santé se fera, dans ses grandes lignes, de la manière suivante, sur la proposition d’un groupe de médecins du RDNP animé par le comité de Montréal et une unité médicale port-au-princienne :
1-A la base, des centres de santé primaire, à établir au niveau de la section rurale (soit un minimum de 560 environ), avec un agent de santé, une sage-femme et un infirmier. Il s’agira de soins élémentaires, ambulatoires de prévention et de protection sanitaires au niveau des familles et au niveau de la section communale. On les voit fort bien intégrés dans les Maisons du Peuple. Ces centres de santé fonctionneront sous la dépendance et le contrôle, par visites périodiques, d’un médecin-résident installé à demeure au dispensaire hôpital de la commune.
2-A un échelon supérieur, des dispensaires hôpitaux, à établir au niveau de la commune (soit un minimum ou un multiple de 132 dispensaires hôpitaux) avec un médecin-résident, un personnel auxiliaire et paramédical et quelques lits de médecine générale, la majorité des cas continuant à relever de soins ambulatoires. Chaque dispensaire hôpital aurait sous sa juridiction 8 à 10 centres de santé.
3-A l’échelon au-dessus, l’hôpital d’arrondissement à établir au niveau de l’arrondissement (soit un minimum ou un multiple de 43) avec des services spécialisés en plus de la médecine générale. Par exemple, la petite et moyenne chirurgie pourrait y être pratiquée. Il s’agit donc d’établissements hospitaliers pluri-fonctionnels avec l’équipement approprié.
4-A un échelon plus élevé, l’hôpital régional, à établir au niveau de la région (a ne pas confondre avec le département, simple circonscription administrative). Il s’agit là d'hôpitaux modernes sur un espace juridictionnel couvrant de 700.000 à un 1 million d’habitants. Ces hôpitaux pourront servir hôpitaux universitaires pour les stages des étudiants en médecine des universités régionales, avec tous les services y compris la recherche médicale régionale.
5-A Port-au-Prince, au sommet de la pyramide, le système d’hôpitaux sophistiqué de pointe, avec l’hôpital de l’Université d’Etat et la Direction Générale de la Santé. Niveau de la coordination, les autorités hospitalières et administratives sont responsables des ensembles régionaux et de la conduite de la politique de santé à l’échelle de la nation.

Dans le cadre de ce système a 5 niveaux de la base au sommet, la médecine populaire traditionnelle intervient en association complémentaire avec la médecine scientifique universitaire. C’est ainsi qu’au niveau 1, celui des centres de santé, dominera une médecine participative, la médecine domestique et familiale. Au niveau 2, celui du dispensaire hôpital, interviendront en coexistence mais sous la supervision du médecin-résident, le docteur-feuille et le houngan. L’attitude envers le houngan, porteur d’offre de soins de santé, devra alors changer : Il faudra accentuer le rôle social qu’il peut jouer au sein de la communauté paysanne et le transformer en agent de santé à part entière, capable d’œuvrer sous surveillance médicale. Il demeure toutefois entendu, qu’au niveau 3, celui de l’hôpital régional, la médecine traditionnelle ne jouera plus qu’au niveau de la recherche médicale, intégrant la médecine familiale, celle du docteur-feuille et celle du houngan pour aboutir à une thérapeutique unifiée nationale de caractère scientifique. Enfin, aux niveaux 4 et 5 se situera la médecine scientifique sophistiquée de type international.
Dans ce système, les cliniques ambulantes et unités mobiles de soins de santé auront le niveau 3 (l’hôpital régional) pour port d’attache, mais rayonnant entre les niveaux 1 et 2 selon une périodicité a établir en fonction des besoins et des moyens. Un service national spécial d’une semaine par an répartira les médecins privés, selon une planification souple, entre les niveaux 3 et 4 pour la desserte de l’arrière-pays et des provinces. Les médecins de la diaspora peuvent pendant leurs vacances et durant leur année sabbatique, intervenir aux niveaux 4 et 5 de préférence.
L’établissement d’un tel système ne pourra se faire par étapes planifiées, jusqu'à réaliser l’accès de tous les Haïtiens à des soins de santé curatifs et préventifs en corrélation interdépendante avec le développement du système économique, social, culturel et politique du pays, car la promotion de la santé doit se faire simultanément avec des programmes agricoles, d’alphabétisation, d’industrialisation, d’éducation etc. Il est évident que les chances d’exécution d’une telle politique de santé seront accrues et accélérées dans  la mesure ou nous pouvons susciter l’intérêt des donneurs d’aide.
Le volet plus directement complémentaire de la politique nationale de santé est la politique en matière de sport et d’éducation physique. Non seulement l’éducation physique sera systématisée et généralisée à tous les échelons et dans toutes les filières l’exemple américain en ce qui concerne la pratique des sports pour la réussite universitaire est ici le meilleur qui soit mais les facilités sportives allant depuis les aménagements sommaires annexés à la Maison du peuple jusqu’aux grands complexes sportifs modernes, permettront une préparation intensive, soutenue adéquate pour les compétitions nationales  et internationales dans le sens de l’exemple cubain parfaitement réussi dans ce domaine.