F) Pour l’Amélioration du Cadre de Vie : un Pouvoir Service

La notion de pouvoir qui a toujours prévalu dans la tradition haïtienne a trop longtemps fait concevoir le pouvoir comme un pouvoir dominateur dont la fonction essentielle est de maintenir l’ordre public et la sécurité de l’Etat. Le détenteur du pouvoir est alors un « borum » et les moyens du pouvoir servent à assurer sa domination sur l’ensemble des citoyens. Avec l’avènement de la démocratie, l’heure est arrivée de faire valoir et triompher une nouvelle notion du pouvoir, celle de pouvoir-service au profit de la collectivité. Le détenteur du pouvoir devient un serviteur et les moyens du pouvoir servent à assurer le bien commun. C’est pourquoi nous avons pu écrire : « nous avons trop longtemps laissé la politique entre les mains des politiciens traditionnels. On sait ce qu’ils en ont fait et veulent continuer à en faire : un jeu sale ou être intelligent consiste à porter des coups bas et des coups de langue à ses adversaires ou rivaux, alors que pour nous, être intelligent en politique c’est être capable de trouver et de proposer de bonnes solutions aux problèmes fondamentaux du pays. »
A cet égard, le pouvoir d’état devenu « pouvoir service » entre les mains du RDNP, doit améliorer le cadre de vie des haïtiens. A titre d’illustration, prenons le problème de l’urbanisme et du logement. Haïti est de tout l’hémisphère occidental, le pays le moins urbanisé, et cependant les problèmes de la ville sont parmi les plus cuisants. En effet, le pays a connu brusquement une poussée urbaine, surtout dans la capitale, qui fait passer Port-au-Prince d’une ville de 250.000 habitants pendant des décennies à 1 million aujourd’hui en l’espace de quelques 20 ans, sans qu’il y ait eu une évaluation correspondante de l’infrastructure urbaine et des services. Ainsi, rien qu’à Port-au-Prince, il y a 200.000 sans-abris.
La carte urbaine d’Haïti comporte la capitale 1 million d’habitants, 3 villes secondaires : le Cap-Haïtien officiellement 70.000 mai le grand Cap compte bien 150.000, Gonaïves 47.000 et Cayes 32.000 et 22 petits centres urbains totalisant 350.000 habitants. Le grand problème c’est donc la capitale. Cependant on retrouve dans les autres agglomérations urbaines les mêmes caractéristiques et conséquences de l’expansion urbaine : paupérisme urbain, insalubrité, ruralisation de la périphérie avec la « taudisation » de celle-ci (La Fossette au Cap, Raboteau aux Gonaïves, la Savane aux Cayes) comme a Port-au-Prince ou aux anciens (L Saline, Morne Marinette, Bel Air, Fort National) sont venus s’ajouter les nouveaux (Brooklyn, Boston, Cité soleil) tandis que les grandes cours des villas luxueuse d’autrefois sont converties en cours des miracles (Bois Verna, Turgeau, Lalue) par suite de l’explosion de population. Il y a urgence à intervenir avant qu’il ne soit trop tard ou que l’explosion démographique se transforme en explosion sociale.
Tout d’abord, il faut une politique nationale de logement et d’urbanisme marquant la volonté politique de s’atteler à la solution de ce problème : Logement, besoin primaire au même titre que la nourriture, l’éducation et la santé. Cette politique comporterait un volet « plan » et un volet « stratégie » de développement urbain par rapport au développement rural en matière d’habitat. Le premier élément de cette politique est le cadastre, accompagné d’un plan directeur de la ville de Port-au-Prince principalement, fixant les équipements d’infrastructure, l’organisation générale des transports, la localisation des activités essentielles, les zones préférentielles d’extension, le zoning des fonctions urbaines.
Pour assurer l’équilibre offre-demande et combler progressivement le déficit habitationnel accumulé du à la crise du logement, il faudrait pouvoir construire un minimum de 8.000 logements par an à Port-au-Prince.  Cela exige un renforcement budgétaire au chapitre des nouveaux logements entendus prioritairement comme logements sociaux, en même temps qu’il faille réhabiliter les logements existants mais délabrés.
Ces programmes n’auraient pas de sens sans un effort parallèle et simultané pour l’amélioration des infrastructures dans les bidonvilles et l’aménagement des transports, des parcs et des services dans un plan de développement urbanistique, pour essayer de corriger le caractère anarchique jusqu’ici de l’expansion urbaine.

Des mesures essentielles devraient accompagner ces efforts mais qui invitent à sortir des expédients routiniers : Code du bâtiment, utilisation des préfabriqués, facilités d’accès au crédit en faveur des familles-cibles, acquisitions foncières pour logements sociaux, motivation accompagnée d’incitation pour une participation plus dynamique de secteur privé en matière de logements sociaux, création de complexes socioculturels communautaires, création de banques de logement et/ou d’allocations logements, recherche de nouveaux matériaux à bon marché, et surtout une approche dynamique qui aurait pour objectif une participation communautaire des intéressés eux-mêmes et de la nation entière dans une vaste coumbite pour les sans-abris et les mal-logés. Un aspect non négligeable, dans cette perspective, sera le rééquilibrage entre Port-au-Prince et les villes de province promues métropoles régionales véritables, dans le cadre de notre option régionale pour la décentralisation. Oui, c’est bien d’un effort collectif national qu’il s’agit, d’une véritable coumbite pour les sans-logis et les mal logés comme on l’a décrété pour l’année 1987. La qualité de la vie est à ce prix.
Le pouvoir d’état, devenu pouvoir service entre les mains du RDNP, doit assurer le libre flux des hommes, des marchandises, des services et des idées. A titre d’illustration, prenons le chapitre des Travaux Publics, Transports et Communications. On l’a noté bien avant nous Dans la fonction transport comme dans la fonction logement, il y a coexistence de l’intervention collective et de l’initiative privée. Il y a donc nécessité ici comme ailleurs, d’une collaboration entre les responsabilités étatiques, les pouvoirs locaux et l’initiative privée.
Il est de tradition que le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications soit le premier employeur. Il y a donc là, à coté d’un problème technique, un problème social. Il n’en demeure pas moins que l’efficacité du MTPTC exige que les employés excédentaires soient recasés ailleurs. Selon une proportion osée, la solution radicale serait dans une réforme en profondeur du MTPTC qui serait à un noyau de techniciens fonctionnaires de haut niveau pour la planification générale, l’étude et la coordination, la supervision et le contrôle des projets. Ensuite le gouvernement encouragerait la formation de firmes privées d’ingénieurs et d’architectes haïtiens ou de coopératives de construction afin de permettre à ceux qui auraient été remerciés de par la réforme de se grouper pour avoir la capacité d’exécuter toutes sortes de projets de génie civil et ainsi réduire, du même coup, la participation des firmes étrangères sur le marché haïtien. Ces firmes d’ingénieur utiliseraient à leur tour, les services des plus efficaces et des plus compétents parmi les employés du MTPTC devenus disponibles avec la réforme. On sait qu’en France, la construction des autoroutes par exemple, a été confiée à des compagnies privées sur contrat : L’expérience française a révélé, outre une facilité plus grande de financement, une plus grande rapidité dans la construction des autoroutes et une plus efficacité dans l’exécution des travaux. En Haïti au contraire, beaucoup, en se souvenant de l’époque des routes faites par le Ministère haïtien des Travaux Publics avant 1946, ont gardé la nostalgie d’un service national de construction du réseau routier haïtien qu’il faudrait rendre techniquement efficient.
Le débat reste ouvert et le RDNP est intéressé à ce qu’il soit organisé en dialogues pour aboutir à une solution de consensus ou alors, démocratiquement mené en vue d’une décision conforme à l’intérêt national.
Quoiqu’il en soit, le MTPTC doit travailler en étroite collaboration avec ceux de l’Industrie et de l’Agriculture dans l’identification des projets et l’établissement des priorités pour la mise en place des infrastructures de transport : Routes, voies ferrées (éventuellement), voies maritimes (aménagement des ports), voies aériennes (aménagement des aéroports). Dans la construction des routes secondaires et tertiaires, la liaison avec les pistes agricoles deviendra un critère de priorité évident, en fonction des circuits de la commercialisation.
Dans le domaine des télécommunications, bien que le pays soit encore largement sous-équipé 0,6 téléphone pour 100 habitants contre 0,8 en Afrique et une moyenne de 5,5 en Amérique Latine ; 1/3 des demandes de téléphone et la moitié des demandes de service télex encore insatisfaits. La TELECO s’est engagée dans un plan de modernisation selon un schéma directeur de développement des télécommunications en Haïti en deux phases, pour satisfaire la demande présente et prévisible, grâce à l’adoption du système électronique digital. Le pouvoir RDNP dans la mesure ou ce plan s’avère efficace, pourra se contenter d’apporter les rectifications déjà recommandées tant sur le plan national qu par des experts internationaux, pas avant cependant que le dossier ne soit réexaminé par les spécialistes haïtiens qui ont acquis, ces dernières années, une expérience solide en la matière dans les centres les plus avancés de la planète, en collaboration avec leurs collègues du service dont on a pu dire qu’il est organisé de manière appropriée pour une gestion efficiente.
Le pouvoir d’état devenu pouvoir service entre les mains du RDNP doit assurer la meilleure utilisation possible des fonds publics au profit du développement. D’abord, ces fonds doivent être gérés avec une honnêteté intransigeante. Il n’est pas vrai que la fonction publique a toujours été corrompue. Au contraire, il y avait chez nous une tradition solide de probité morale de la part des fonctionnaires publics. Des anciens haïtiens ont fait toute leur carrière dans l’administration publique comme comptable des deniers de l’état ou non sans avoir détourné un centime à leur profit. Il nous faut renouer avec cette tradition, en commençant par donner l’exemple au sommet de l’Etat. La lutte contre la corruption doit être d’une vigilance sans concession. L’argent du peuple et les taxes des contribuables doivent aller aux travaux de développement et servir la collectivité dans la solution de ses problèmes et la satisfaction de ses besoins. En outre, la réforme de la fonction publique permettra non seulement de professionnaliser celle-ci, de la moderniser et de la rendre plus efficace comme outil et instrument de la politique publique, mais aussi de lui garantir un Statut, avec des avantages de carrière, et la sécurité de l’emploi aux échelons administratifs et techniques.
Le budget de l’Etat a une triple fonction à nos yeux. C’est, bien sur et d’abord, un moyen de fonctionnement de l’appareil étatique. Par rapport aux besoins réels de fonctionnement de l’administration, il y a des dépenses excessives en salaires dans le budget de l’état. D’abord, il y a une fonction publique pléthorique : Près de 60.000 employés publics là où sans doute 40.000 suffiraient. Ensuite une restructuration des salaires devrait permettre de considérer un plafond calculé à partir d’un niveau salarial de $4.000 par mois de manière à réduire substantiellement tout excédent au-dessus de la base des $4.000. Ceci permettrait de relever, même à un degré modeste, les plus bas salaires de l’administration.  Nous sommes un pays pauvre. En outre la structure des dépenses budgétaires, pour l’année 1986 par exemple, révèle que sur un total de 1.332 millions de Gourdes, 1,196 ont été consacrés au budget de fonctionnement et seulement 136 au budget d’investissement. L’appareil de l’état a donc été favorisé par rapport au développement, alors que, précisément, pour nous, le budget de l’état est, en second lieu, un outil de développement. Les investissements publics sont laissés à la charge de l’aide extérieure. Sur un montant de 718 millions de Gourdes de l’aide étrangère, 65% en effet, ont été destinés à l’investissement public. C’est donc l’étranger qui a la charge de financer le développement haïtien. En raison de cela, il est devenu urgent qu’il y ait, au sien de l’administration, un point responsable de tous les contacts avec les donneurs d’aide et de la coordination de ceux-ci. C’est sans doute la fonction dévolue au Commissariat créé pour et confié à Garvey Laurent. Enfin, pour du RDNP, le budget de l’état est un moyen de redistribution équitable du revenu national, d’une part par l’équité fiscale, et d’autre part par les projets exécutés. Le principe, en effet, que les taxes exigent une contrepartie de services qui les justifient encourage le contribuable à payer ses impôts.
Mais il est clair que la transparence exige non seulement l’élimination des détournements de fonds, mais aussi la lutte contre l’évasion fiscale bénéficiaire d’une politique permissive ; La lutte contre la contrebande devenue un élément de politique économique grâce à la tolérance laxiste et a l’influence de gros intérêts ; La suppression des franchises douanières de faveur. Ces trois volets permettront d’accroître les rentrées fiscales, en même temps que se fait l’augmentation du niveau des ressources fiscales par l’adéquation attendue avec l’augmentation du revenu national.
Avec un contrôle financier plus strict, ce train de mesures et cette politique permettraient de viser à l’équilibre budgétaire de manière moins artificielle, plus dynamique, plus génératrice de croissance.
Le pouvoir d’état devenu pouvoir service entre les mains du RDNP devra assurer l’équité sociale. Cela signifie, au tableau de bord des opérations prioritaires de justice sociale, une quadruple réparation sociale en faveur des paysans, des femmes, des ouvriers et travailleurs urbains et des jeunes.
     A propos de l’agriculture, nous avons déjà noté les mesures en faveur des paysans. Elles peuvent être de toutes natures : Economique (croissance de la production agricole), fiscales (suppression s des taxes à l’exportation dans l’espoir que l’accroissement des revenus ira au producteur agricole), sociales (couverture par une assurance maladie générale), culturelles (alphabétisation, éducation sociale), globales (La Maison du Peuple). Il y a une claire conscience que le moment est venu de rendre au paysan ce qu’il lui est du. Il faudra nous écouter, nous qui le disons depuis longtemps, faute d’avoir écouté Firmin le dire à la manière de son temps : « Dans tous les pays, dans toutes les races, le progrès ne s’effectue, ne se réalise, ne devient tangible que lorsque les couches sociales inférieures qui forment toujours la majorité, tendent à monter en intelligence, en puissance, en dignité et en bien-être.  Là où la politique dite éclairée, ne consisterait qu’à perpétuer l’infériorité de ces couches, formant l’assise même de la nation, en exploitant leur ignorance, il n’y a point de progrès possible. » Il s’agit donc d’une réparation sociale due depuis fort longtemps.
Les femmes on droit à l’égalité de chances dans la société. Le pouvoir RDNP rendra ce droit effectif et cette égalité réelle. La discrimination sexuelle, pour être devenue plus subtile et moins avouable, n’a pas entièrement disparu de nos mœurs. Le machisme sévit encore dans les rapports hommes femmes. Le combat pour l’égalité de la femme est cependant non pas une guerre de sexes, mais une lutte ou hommes et femmes, au coude à coude, veulent remplir ce nouveau chapitre de la justice sociale par l’égalité des sexes sans sexisme. Le pouvoir RDNP, conscient du rôle de la femme dans l’économie nationale, de ses fonctions sociales dans la société et du fait majoritaire incontournable en faveur de la femme dans la démographie haïtienne, appliquera son progressisme à la promotion de la femme, progressisme qu’en termes généraux nous définissons comme le souci de justice sociale par l’égalité des chances.
Les ouvriers et travailleurs urbains vivent une condition ouvrière qui rappelle les débuts du capitalisme industriel en Europe. On a qu’à lire les chapitres du volumineux rapport de Leplay sur « Les ouvriers d’Europe occidentale » vers 1840 1848 pourvoir la similitude des situations relatives. Le XIXè siècle fonctionne encore chez nous et plus d’un s’en accommode. Nous autres, du RDNP appliquons notre principe général de refus d’une société produisant par le haut des millionnaires et par le bas des « boat people » et des candidats kanters, aux écarts sociaux dans les relations professionnelles patrons ouvriers et au nom de la justice sociale, nous voulons réduire ces écarts. D’ailleurs, dans leur propre intérêt, certains patrons ont commencé à le réaliser, eux aussi, et s’orientent vers les concessions à faire à temps. Seule une volonté de dialogue de leur part fera passer le syndicalisme haïtien de sa phase de combat a sa phase contractuelle. L’ouvrier a droit à un minimum de sécurité par le jeu de la solidarité nationale, et cela va plus loin que la simple charité distributive, pour atteindre la protection sociale. Avec la même force de conviction qui nous a fait reconnaître le rôle fondamental et indispensable du secteur privé dans la production et décider de le rendre plus dynamique et entreprenant par une politique raisonnable et de sécurité de ses savoirs en vertu d’un droit de propriété reconnu par la Constitution et essentiel à l’économie de marché, avec la même force de conviction l’harmonie sociale étant à ce prix le pouvoir RDNP appliquera son progressisme à la promotion ouvrière pour un nouveau dialogue social plus équilibré et sans animosité car, selon le mot de José Mati « La haine n’est pas constructive. » On ne devra pas sourire quand Toussaint Desrosiers nous invite à une société d’amour. Pourquoi ceci ne serait-il pas l’objectif de la bonne parole dont la politique aussi, la bonne bien entendu, la seule qui nous intéresse, est porteuse.
Les jeunes sont la génération de la relève et ce sont eux qui, en tant que tels, sont au premier chef intéressés par ce que nous faisons ou voulons faire aujourd’hui. A nous aussi de nous intéresser à eux d’une manière toute spéciale, sans friction ni antagonisme. Disons tout d’abord que la jeunesse est à la fois une et diverse : Jeunesse urbaine et jeunesse rurale, jeunesse universitaire et jeunesse ouvrière sans doute, mais derrière cette diversité de condition, il y a une unité de génération et le RDNP y voit une complémentarité féconde dans la dignité individuelle de chaque jeune et son apport à la reconstruction nationale. Près de 3.000.000 d’haïtiens ont moins de 18 ans. Leur ouvrir des horizons nouveaux, tel est le rôle du RDNP porteur d’un nouvel idéal de vie. Le pouvoir RDNP instaurera un dialogue continu et positif entre le gouvernement national progressiste et les jeunes. Nous nous mettrons à l’écoute de notre jeunesse pour qu’elle nous dise ses aspirations et ses choix, mais nous lui offrirons aussi l’occasion d’éprouver sa foi dans la démocratie politique participative, le nationalisme éclairé et le progressisme de justice sociale dont nous instaurerons le règne dans notre pays. Nous favoriserons les tendances à l’organisation de la jeunesse et nous privilégierons leur formation pour les aider à se préparer à assumer leurs responsabilités de travailleurs du futur. Sans la sacraliser démagogiquement, mais avec le souci de la prendre au sérieux, le pouvoir RDNP appliquera son progressisme à la promotion de la jeunesse haïtienne.
Enfin pour couronner tout cela, le pouvoir RDNP créera un office de protection des consommateurs, au bénéfice de tous !
Le pouvoir d’état devenu pouvoir service entre les mains du RDNP devra assurer, dans le respect absolu de la Constitution, le plein exercice des libertés publiques et la garantie scrupuleuse des droits humains l’ordre public et la sécurité de l’état. Il utilisera, a cette fin une armée professionnelle et une police civilisée.
Conformément à la Constitution de 1987 le pouvoir RDNP réalisera la séparation de la police, chargée du maintien de l’ordre public, et de l’armée chargée de la défense nationale et de la sécurité de l’état. La police sera civilisée c’est à dire dotée d’un statut et d’un régime de fonctionnement civil avec un personnel non militaire. Outre la police de la sûreté nationale et la police judiciaire, qui relève toutes deux de la compétence étatique il y a aura une police relevant des collectivités territoriales (commune, département) et des polices spécialisées (drogues, sanitaire etc.)
Il y a une vision unilatérale de l’armée comme ayant été associée à la dictature duvaliérienne qui l’a domestiquée et corrompue. C’est une part de vérité qu’il serait difficile de contester. Mais il y a une autre part de vérité tout aussi incontestable, à savoir que l’armée a été victime de la dictature des Duvalier qui l’a humiliée, désorganisée, délabrée et placée sur un pied d’infériorité par rapport aux chefs tontons macoutes de la milice des VSN. Il y a une réhabilitation nécessaire de l’armée dans l’image et la perception du peuple haïtien, pour effacer l’image d’une armée force de répression contre le civil. Le pouvoir RDNP réalisera sa promesse d’une armée démocratique, modernisée et mise au service du développement. On se rappelle en quels termes nous avons déjà pris une position publique à cet égard. Nous le répétons ici : « Pour nous, l’armée haïtienne, en tant qu’institution, doit d’abord être démocratisée et la police civilisée. » Nous l’avons maintes fois répété, l’armée doit être intégrée dans le processus de démocratisation et elle doit trouver sa place au soleil de la liberté qui luit pour tous, civils et militaires. De même qu’il y a des civils qui ne croient pas en la démocratisation, il y a des militaires qui ne veulent pas la démocratie. Mais de même qu’il y a des civils qui luttent pour la démocratie et y aspirent, de même il y a des militaires qui partagent les idées et les aspirations démocratiques. Une armée démocratisée aura son rôle dans une société démocratique, car civils et militaires devront se trouver en relations de collaboration et à l’aise dans la démocratie à construire. La démocratisation de l’armée est donc un impératif de la conjoncture.
Une armée démocratique ou en voie de démocratisation doit se moderniser car Duvalier a laissé l’armée en tant qu’institution dans un état de délabrement. Tout est à faire ou à refaire : Education supérieure des chefs, formation des cadres et des officiers, entraînement, communications, moyens logistiques, équipement etc. Une aide militaire pourra aider à cette modernisation pour ne pas laisser un vide militaire entre nos deux voisins Cuba à l’ouest, dont nous sommes le pays le plus proche, et la République Dominicaine à l’est puissamment armés à l’égard desquels une politique de bon voisinage n’exclut pas de garantir la souveraineté nationale le cas échéant. Partager l’île avec la République Dominicaine oblige à tenir compte du potentiel militaire du voisin, précisément parce qu’on recherche la paix, l’harmonie et la coopération dans une formule nouvelle de coexistence égale, digne et amicale. Cette modernisation nécessaire de l’armée, il faudrait d’ailleurs en diversifier les sources extérieures, non seulement les Etats Unis mais per exemple, reprendre l’habitude d’envoyer nos cadets dans les pays démocratiques comme la France, l’Italie, le Venezuela, l’Espagne, l’Angleterre, etc. Car, répétons-le une armée démocratique ou en voie de démocratisation aura besoin de se moderniser car l’objectif n’est pas de détruire l’armée de l’affaiblir, mais de la démocratiser.
Enfin une armée démocratique et modernisée doit être mise au service du développement avec l’ensemble de ses moyens. Pour nous, c’est dans le cadre de ce paquet dont la modernisation est un élément, c’est dans ce contexte de cette trilogie pour l’armée : Démocratisation, Modernisation, mise au service du développement que nous admettons l’aide étrangère car alors celle-ci, dans de telles conditions, ne pourra pas être dangereuse pour le processus de démocratisation.
Dans une large mesure, la démocratisation sera affaire de formation et d’habitude de comportement à acquérir. L’effort sera fait de la base au sommet, dans le même esprit de donner au militaire d’une part une formation professionnelle, de l’autre une formation scientifique et culturelle générale, et enfin une formation civico-politique, les deux dernières lui ouvrant les portes des mêmes institutions que pour les civils, en ouvrant aussi aux civils les portes des institutions fondées dans le cadre de l’armée. Un système d’éducation à tous les niveaux de la hiérarchie militaire aboutira à un Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale assurant outre la formation technique des corps spécialisés, une formation académique (étude de stratégie, de géopolitique, d’analyse opérationnelle, exercices de simulation etc.), une formation morale (intégrité, honneur, discipline militaire, code de conduite, code militaire etc.), une formation civico-politique (libertés publiques, droits humains, science politique, connaissance de la démocratie, armée et politique dans les régimes démocratiques etc.), une formation sociale (socialisation, rapports civils-militaires, voyage et stages dans les pays démocratiques etc.) Des avantages de carrière, un régime spécial d’assurances militaires, l’existence de magasins militaires à prix réduits, la construction de logements sociaux auxquels les Militaires auraient accès, constitueraient un complément non négligeable au salaire. Une telle armée devra être équipée et modernisée car, encore une fois à l’image du pays, le régime duvaliérien a laissé l’armée dans un état de délabrement. Il faut lui redonner sa capacité de défense opérationnelle (entraînement, équipement, armement, bourses à l’étranger pour le perfectionnement et la spécialisation, logistique et communications etc.) Alors elle sera en mesure, avec ses services, de répondre à l’appel soit pour des taches d’intérêt national ponctuelles et exceptionnelles à cause de son efficacité (cas de désastre naturel, par exemple), soit pour des taches de développement continu (alphabétisation, construction de ponts et de routes, aide technique aux coopératives, participation à la fourniture de soins de santé, etc.) Il faut redonner à l’armée confiance dans la société démocratique en l’intégrant, le plus harmonieusement possible au fonctionnement de cette société. Ainsi, une institution problème pour la démocratie deviendra une institution pilier de la démocratie.