Salut, Prof Manigat !

  • Publication : mardi 1 juillet 2014 16:27

«Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.» - Alphonse de Lamartine

Leslie Manigat n'est plus. En fait... il ne restait que lui ! Rien que lui de cette lignée de savants, d'intellectuels doctes et doctrinaires, politiquement engagés et serviteurs dévoués de la République, lesquels ont fait les beaux jours de la pensée haïtienne au XIXe siècle. Haïti se dépeuple de ses géants de l'esprit. La "crise haïtienne  contemporaine" que M. Manigat s'employait à nous décrypter est d'abord, à mon sens,  une crise de l'esprit et de l'intelligence.

Respecté de tous,  Leslie Manigat était aussi le grand incompris de la République. Un malaimé dans les petits clubs d’intellos. Certains, de droite et de gauche, volaient et volent encore, par rapport à lui, à de très basses altitudes dans le dénigrement et la rancoeur. 

D’aucuns lui enviaient sa position d’intellectuel dominant. Il était même fiché à Washington, dans les années soixante, comme étant "un intellectuel de gauche suspect". Un intellectuel de gauche ? Leslie Manigat était craint et caricaturé partout.

Son opportunisme froid et décomplexé  lui a valu bien d’inimitiés et de déboires. Albatros et roi de l'azur, il planait peut-être trop haut sur nos modestes têtes. Ermite et penseur de génie en réclusion, surtout au crépuscule de sa traversée du temps, on le sentait trop éloigné de nos rues sur lesquelles il voulait régner et trop extraordinaire dans l'ordinaire de nos jours. En réserve permanente de la République, il inspirait plus de réserves que de passions. L’amour que lui vouaient des segments éclairés des classes moyennes faisait contrepoint au désamour que lui manifestaient les couches populaires.  Son monde était un autre monde. Pourtant, ses oeuvres et son combat disent et charrient toute l'histoire de nos entrailles de peuple. Un grand Haïtien.

Haïti n'est comme pas faite pour un Anténor Firmin ou un Leslie Manigat. L'intelligence y est toujours mise en déroute. L'obscurantisme s'est institué ici en maître des lieux.

J'étais souvent en désaccord avec le prof dans ses options politiques. Malgré tout... je l'ai défendu en 2008, dans Le Nouvelliste et ailleurs, face à ses détracteurs de mauvaise foi sur le dossier de Punta del Este... et bien d'autres.

Avec le départ de ce Grand Monsieur, je mesure toute la profondeur du vide qu'il laisse derrière lui. Grande disette du sens, des grandes idées et de l'intelligence. 

.. Et ça m'effraie...

 

Chapeau, Prof !

Je me souviendrai toujours de vous. Fils de l'esprit, je m'incline devant votre bel esprit !

Nous essaierons de tenir en tant que peuple.

Dieu bénisse votre âme !

Daly Valet