Saint-Surin François Manigat par Leslie François Manigat

C'est presque un truisme que d'admettre l'impartialité comme étant la plus grande vertu de l'historien. C'est un idéal jamais atteint tout à fait. Il y a les pièges de la passion, de l'affectivité, de ses systèmes de valeurs. On n'échappe pas toujours à la subjectivité et l'on ne peut être à la fois juge et parti.

Partout, le professeur émérite Leslie Manigat, au-delà du devoir filial et  familial, avec toutes les compétences et les lumières requises, a pris le risque de laisser à la postérité cette longue monographie à la fois biographie, portait psychologique et analyse de la dimension et de la trajectoire historiques de son grand-père : Saint-Surin François Manigat.

Personne ne l'ayant fait avant lui malgré les velléités de quelques aînés rassemblant la documentation,  l'historien Leslie F. Manigat s'est donc  porté volontaire pour sauver l'image de cet homme illustre de l'oubli et du silence involontaires ou intéressés.

Avec toute la sérénité d'un professionnel doublé d'un homme politique désabusé par les expériences et l'âge, l'historien jette un regard  lucide, franc, calme et honnête sur ce personnage hors du commun de la seconde moitié du XIXe siècle haïtien, cette figure de proue de notre histoire.

Saint-Surin François Manigat, de souche capoise, est né le 6 mars 1847, d'une famille de grands propriétaires terriens, de négociants opulents et d'éducateurs réputés. Son éducation primaire commence en partie dans ville natale; puis boursier de la France (1859-1871), il y séjour pendant douze ans pour ses études complètes, fréquentant le lycée Hoche Versailles, le collège Monge à Paris, sous le second empire de Napoléon III... « ...le bachelier ès lettres classiques est reçu lauréat à l'oral du grand Amphithéâtre de la Sorbonne (27 août 1869)...»

Une vocation de militaire saint-cyrien est contrariée par la guerre prusso-française de 1870, la défaite de Sedan, l'occupation prussienne, les évènements de ''La commune'', la maladie. Il décide de retourner au pays natal à la fin des rigueurs de l'hiver 1871.

Retourné au pays natal, aux frais du gouvernement, il s'illustre d'abord dans l'enseignement public et privé ; il se marie avec une  de ses anciennes élèves, Marie Magny.

Sa fortune politique commence par un titre de député de la plaine du Nord. A 35 ans, il est ministre ''omnis homo'' de Salomon : il est le tout-puissant ministre de l'intérieur et détient également les portefeuilles de l'Agriculture et de l'Instruction publique. Il est l'homme de confiance et l'enfant gâté du président Lysius Félicité Salomon.

Sous le règne de ce dernier, le conflit entre le Partis libéral et le Parti national, atteint son paroxysme. Le président utilise ses talents militaires, particulièrement lors du siège de Jacmel en 1883, et à Miragoâme dans la même année. Victoire totale des ''nationaux'', à la grande satisfaction de Salomon chez qui l'estime grandit pour son ministre.

Jalousies. Envies. Intrigues de palais. Défiance pour le président. Exils en France. Retourns. Disgrâces.

Ce personnage conflictuel et ambitieux, prétendant à la magistrature suprême après la chute et la mort de son bienfaiteur, ne tarde pas à se brouiller avec son cousin Florvil Hyppolite à qui il se dit supérieur et à être dans son collimateur. Complot. Exil. Kingston. Paris. Mort prématurée à 53 ans en 1900 dans la capital parisienne.

Cette destinée, de la naissance au décès, et les différents aspects et rôles de cette personnalité, nous sont racontés par la plume brillante de l'historien et écrivain selon les «méthodes évolutive et agrégative, dont la combinaison réconcilie histoire et structure».

 

A lire absolument! Une bien passionnante brochure historique
«Le ''national'' Saint-Surin François Manigat-» Leslie F. Manigat- collection du centre ''humanisme démocratie Action '' CHUDAC, 106 pages, 2011

Roland Léonard - lenouvelliste