Cette fois-ci, cela ne passera pas
11 août 2015
Chers compatriotes,
Dans un message intitulé « Ce que je crois », j’avais averti la nation que le 16e CEP, constitué seulement de quelques personnalités crédibles, n’était pas en mesure d’organiser correctement les élections en tant qu’institution sans passé fonctionnel et sans expériences accumulés. Dans un second temps, j’avais annoncé le retrait de ma candidature à la Présidence en précisant que je me tenais en réserve de la République. Un troisième publié le 13 juillet dernier avait appelé à la solidarité de tous les candidats à la Présidence pour élaborer une position commune sur le problème haitiano dominicain. Et j’avais même ajouté : « La manière de fonctionner du CEP établi sur la base d’un consensus boiteux, sans aucune assise constitutionnelle – toléré par lassitude -- a souligné à la fois, son incompétence, une carence de professionnalisme et une espèce de légèreté dans la manière de traiter les dossiers de candidature par ses différents organes. Ces derniers n’ont fait que plomber toute recherche de solution juridique à deux problèmes importants qui devront être réglés de manière sérieuse et objective, à savoir: la nationalité dont le traitement réclame sérénité et la question de la décharge administrative dont les ambiguïtés juridiques au niveau de la mise en œuvre par la CSCA, ont créé de légitimes frustrations ».
Aujourd’hui je viens à vous pour exprimer mon indignation, mon écœurement devant cette mascarade, cette journée de la honte que le gouvernement et ses associés, dont des collabos notoires, veulent de manière effrontée et indécente faire passer pour une journée électorale réussie !!!
Quelle idée ont-ils de la nation haïtienne?... Comment osent-ils déclarer à nous, Haïtiens, que cette supercherie est l’expression légitime de la volonté populaire ! Cela ne devra pas passer !!!
Chers compatriotes,
Je ne reviendrai pas sur les détails des faits que les réseaux du RDNP, à travers le pays m’ont régulièrement communiqués ; car ils sont conformes aux rapports que les correspondants de provinces des différents médias ont relayés au cours de ce dimanche noir. Nous avons été tous largement édifiés. Tous, filles et fils de ce pays, concernés par son avenir et celui de nos enfants, nous avons cru à un cauchemar !
Ce qui s’est passé, dimanche, peut se résumer en deux mots: UNE CATASTROPHE ANTIDÉMOCRATIQUE !
En fait, celle-ci est le résultat d’une combinaison de trois facteurs :
- Fondamentalement l’incompétence et l’impréparation à gérer la machine administrative par le CEP qui nous a assommés de chiffres trop nombreux et précis (quelques heures après) et avec trop d’insistance pour être rassurants.
- Une violence déclenchée de manière sporadique sur tout le territoire dans le but de dissuader les électeurs et créer un climat de méfiance et de peur; d’autant que des bruits savamment distillés avaient fait croire que le Gouvernement allait décréter le couvre-feu.
- Un sabotage planifié dans le cadre d’une stratégie. En effet, il est révélateur que seuls quelques partis avaient eu droit aux mandats permettant de contrôler l’évolution des votes au profit de leurs candidats. Ce favoritisme conscient et organisé a été dénoncé tout au long de la journée sans trouver de réponse. Ceux la qui ont été payés pour essayer de nous l’imposer doivent comprendre que les intérêts du pays passent avant les leurs.
Les résultats sont là: un lamentable échec, des bureaux sans listes de votants, incomplets ou mal préparés; arrivée tardive de matériels et surtout cette gestion tortueuse et apparemment voulue des mandats de sorte que la plupart des candidats n’ont pas cessé de se plaindre, et de réclamer, tout au long de la journée, ces mandats qu’ils n’avaient pas reçus et se trouvaient ainsi dans l’impossibilité de veiller à la régularité du scrutin et à la protection de leurs intérêts.
Comment justifier l’insuffisance des mandats ? La parade a été trouvée par le Président du CEP qui, à la fin de la journée, a pointé du doigt un coupable qui aurait dissimulé la moitié des mandats... Mais ne nous alarmons pas, ce président, qui lors des élections de 2010 avait priorisé la raison d’état sur la démocratie, a cette fois-ci déjà mis en branle une action judicaire! Cette information a été relayée rapidement par le Ministre de la Justice en personne, qui a fait montre d’une curieuse et inhabituelle célérité en la matière…. Or, malheureusement pour eux, la personne incriminée s’est défendue tout de suite et a fait de troublantes révélations qui visent M. Opont lui-même et dénoncent les instructions données. Nous en saurons plus, plus tard…
Mais déjà cet incident est révélateur de la stratégie qui se préparait: limiter le nombre des votants, obtenir un nombre significatif d’élus au 1er tour, escamoter de ce fait le 2ème tour et garantir ainsi aux partis choisis une confortable majorité dans les deux chambres.
Pour comprendre ce jeu subtil, il faut se référer aux textes de la Constitution repris par le décret électoral concernant les sénateurs et députés; ils ouvrent une voie légale pour faire passer les candidats choisis.
Ils disent ceci : A l’occasion des élections, le candidat à la chambre ou au sénat le plus favorisé au premier tour n’ayant pas obtenu la majorité absolue (ce qui est la règle) est déclaré vainqueur dans le cas où son avance par rapport à son poursuivant immédiat est égale ou supérieure à 25%.
Une ouverture du même genre est prise pour les élections présidentielles. Il y a donc un enchainement logique entre ces dispositions constitutionnelles et la mise en branle d’une véritable stratégie de réduction de la participation électorale. De ce fait nombre de candidats qui pouvaient logiquement prétendre à la victoire, qui ont épuisé leurs finances, les fonds de leur parti et leur temps, se trouvent au départ floués.
Par ailleurs, d’après le calendrier, le premier verdict devait être annoncé le 19 août, trois jours étaient prévus pour les contestations et le résultat final proclamé le 8 septembre. Or, depuis dimanche soir, Il est bruit que ces délais seront repoussés. Est-ce pour permettre un apaisement et reculer le temps des contestations ? Ou, nous faudra-t-il effectivement du temps pour avaler cette pilule amère (se yon lok). Il faut que les candidats prennent conscience de ces manœuvres et réagissent !
Pour une fois je suis désolée que les faits m’aient donné raison: « La population attendait l’impartialité de la part du CEP là où se révèle le copinage ; elle espérait l’intégrité de ses membres, là où se confirment des soupçons; elle croyait, à tort, qu’il pourrait inspirer confiance quant à la transparence du processus - dont il se gargarisait dans chaque communiqué - , là où il démontre sa soumission à certaines forces agissant à visière levée ou en sous mains; elle réclamait sa rigueur là où il fait montre de versatilité dans ses sélections et éliminations, suivies de rattrapages puis d’exclusions dans un rythme dicté par des intérêts contradictoires sans explications convaincantes. » (19 juin 2015)
Aujourd’hui, au nom des positions morales et politiques que j’ai toujours assumées, je fais appel aux citoyens conscients, lucides et révoltés par ce qui s’est passé le 9 août dernier afin qu’ils se ressaisissent, qu’ils disent NON à cette insulte à notre dignité de peuple !
Unissons-nous pour manifester notre détermination à ne pas cautionner cette ignominie par un silence et une passivité qui assassineront, une fois de plus, nos espérances et enterreront les idéaux démocratiques.
Peuple Haïtien, le pays de Jean-Jacques Dessalines, de Charlemagne Péralte, Notre Haïti ne mérite pas cette gifle sonore. Réclamons purement et simplement l’annulation de cette mascarade et conséquemment la démission du CEP.
Mirlande H. Manigat
Secrétaire générale du RDNP