Haïti-élections 2010-2011: Mirlande Manigat a Bien Raison de Protester et Devrait Même Contester
SAMEDI 9 AVRIL 2011
Par Dr Pierre Montès, LCDP-Politique, 9 avril 2011
Introduction
Il est anormal que le pointage de la candidate du RDNP, Mirlande Manigat n'ait pratiquement pas augmenté et soit resté le même au second tour qu'au premier (31,57% au premier tour; 31,74% au second).
De même, il est anormal que le pointage du candidat de Repons Peyzan, Michel Martelly soit passé de 22,23% au premier tour à 67,57% au second.
En effet, une interprétation des résultats du second tour publiés par le CEP le 4 avril dernier serait que quasiment 100% (99,64%) des électeurs qui auraient voté au premier tour pour un candidat autre Marlelly et Manigat, soient allés voter pour Martelly au second tour, si l'on suppose évidemment que tous ceux qui ont voté pour Manigat au premier ont encore voté pour Manigat au second et que tous ceux qui ont voté pour Martelly au premier tour ont encore voté pour Martelly au second.
Considérations liminaires-les résultats des huit présidentielles françaises à deux tours (1965-2007) (*)
Une situation semblable s'est présentée en France en mai 2002 quand Jacques Chirac affrontait Jean-Marie Le Pen au second tour. En effet, au premier tour, parmi 16 candidats en lice, Jacques Chirac, président sortant, était classé premier et avait récolté 19,88% des voix, suivi de Jean-Marie Le Pen qui avait réussi à ammasser 16,86% des voix, devançant étonnamment le brillant Lionel Jospin, candidat socialiste ! Au second tour, pour réparer leur erreur de jugement du premier tour, les français avaient reconduit, malgré eux, Jacques Chirac à la présidence: Jean-Marie Le Pen n'a pu gagner qu'un peu moins d'un pourcent de plus (soit 17,79%), tandis que Jacques Chirac a vu son pointage s'élever à 82,21%! Une interprétation de ces résultats serait que 98,5% des électeurs français qui n'avaient voté ni pour Le Pen, ni pour Chirac au premier tour, étaient allés voter pour Chirac au second tour; et seulement 1,5% de ces mêmes électeurs qui n'avaient voté ni pour Chirac ni pour Le Pen au premier tour, avaient alors voté pour Le Pen au second tour.
Le Tableau 1 suivant montre les résultats des deux tours des huit présidentielles françaises, depuis que le suffrage universel direct est utilisé dans ce pays pour élire le Chef de l'État.
Tableau 1.- Compilation des résultats des huit présidentelles françaises (1965-2007).
La dernière colonne du Tableau 1 contient un facteur que j'ai nommé alpha. Le facteur alpha exprime, pour un candidat donné (1er ou 2e au premier tour), la proportion des électeurs qui ont voté pour lui au second tour et qui n'avaient pas voté pour les deux premiers candidats au premier tour.
Des huit élections présidentielles françaises, trois présentent un candidat qui, comme Martelly était arrivé second au premier tour et a gagné au second tour. Ce sont:
1) Valéry Giscard d'Estaing (1974).- Il est classé 2e au premier tour avec 32,60%; il réussit à se mettre au premier rang au second tour avec 50,81%, avec un facteur alpha égal à 0,754, battant ainsi son puissant rival, François Mitterrand par un écart historique de 0,39%! Je me souviens encore aujourdd'hui de cette fameuse journée de mai 1974, discutant avec des camarades étudiants à la FDS (Auguste Paquiot, Hernst-Clémenceau Pierre-Antoine, Rosemond Pradel et d'autres).
2) François Mitterrand (1981).- Il est classé 2e au premier tour avec 25,85%; il réussit à se placer au premier rang au second tour avec 51,76%, avec un facteur alpha égal à 0,565, battant ainsi son rival, Valéry Giscard d'Estaing, président sortant par un écart de 3,52%.
3) Jacques Chirac (1995).- Il est classé 2e au premier tour avec 20,84%; il réussit à se placer au premier rang au second tour avec 52,64%, avec un facteur alpha égal à 0,569, battant ainsi son rival, Lionel Jospin par un écart confortable de 5,28%.
Ces trois hommes, Giscard d'Estaing, François Mitterand et Jacques Chirac étaient des politiciens aguéris qui, malgré tout n'ont pu vaincre leur adversaire au second tour qu'avec un pourcentage compris entre 50,80% et 52,65%, et, avec un facteur alpha compris entre 0,56 et 0,75.
Quelques considérations sur les présidentielles haïtiennes 2010-2011
Le Tableau 2 ci-dessous montre les résultats des deux tours des présidentielles haïtiennes. On y voit que la candidate Mirlande Manigat a pratiquement le même pointage au premier tour qu'au second tour (31,57% au 1er tour; 31,74% au 2e). Son rival, Michel Martelly est, quant à lui, passé de 22,23% au premier tour, après un repêchage au forceps réalisé de justesse par les Docteurs et experts de l'OEA (on s'en souvient), à un poucentage fracassant de 67,57% au second tour. Selon les chiffres préliminaires, publiés par le CEP le 4 avril dernier, Michel Martelly est donc le président élu d'Haïti. Selon ces mêmes résultats, comme l'indique le Tableau 2, dernière colonne, le facteur alpha pour Martelly s'établit à, tenez-vous bien, 0,9964! Ce facteur, pour Mirlande Manigat, 0,0036, est donc tout petit et même plus petit que celui obtenu par Le Pen, 0,015, en France au deuxième tour des présidentielles de 2002! On peut comprendre le facteur alpha obtenu par Le Pen en 2002, mais pas celui attribué à Manigat en 2011 en Haïti.
Le facteur alpha égal 0,0036 attribué à Mirlande Manigat signifierait, s'il n'y avait aucunes fraudes au deuxième tour, que presque tous les électeurs qui auraient voté pour les 17 candidats autres que Martelly et Manigat au premier tour, le 28 novembre 2010, seraient allés voter (1 personne, 1 vote) effectivement pour Martelly au second tour, le 20 mars dernier! Cela n'a aucun sens. Mirlande Manigat n'est pas Jean-Marie Le Pen. Il n'y a pas de similitude possible, pouvant se traduire en termes de alpha, entre Manigat et Le Pen. Ce ne sont pas seulement 32% des électeurs qui, à travers le pays scandaient ces paroles typiquement haïtiennes:« Banm manmanm, banm manmanm! » C'est sans aucun doute possible beaucoup plus que 32%.
Martelly a peut-être gagné, mais à beaucoup moins que 67,57%; Manigat a peut-être perdu, mais à beaucoup plus que 31,74%.
Martelly a peut-être perdu par 47,04%; Manigat a peut-être gagné par 51,28%. Ce sont les chiffres qui circulaient sur le Web depuis jeudi soir 31 mars juqu'à très tard dimanche soir. Avec ses chiffres, le facteur alpha aurait été 0,4427 pour Mirlande Manigat et 0,5573 pour Michel Martelly, ce qui constitue une variante possible de la réalité que nous ignorons à ce jour.
Tableau 1.- Résultats des présidentelles haïtiennes (2010-2011).
La candidate défaite, Mirlande Manigat a vivement protesté contre les modifications introduites dans la base de données au centre de tabulation des votes sur ordre du président du Conseil électoral provisoire, M. Gaillot Dorsainvil. Mais, elle dit ne pas contester les résultats.
À la lumière de l'interprétation du facteur alpha défini ci-dessus, et, sachant que des milliers de procès-verbaux (près de 1728, selon The Miami Herald) avaient été mis en quarantaine pour fraudes et irrégularités par les techniciens du centre de tabulation, il est possible de penser que le gagnant ou la gagnante du second tour ait récolté entre 51 et 52% des voix et non 67,57%. Pour le savoir, il faudrait, peut-être qu'un groupe d'experts indépendants se penchent rapidement sur la question et en informer le CEP et la nation, avant le 16 avril 2011, date de la publication officielle des résultats définitifs des élections.
Il faut aussi noter que le CEP avait rendu le processus de tabulation très opaque, contrairement aux élections de 2006 où les opérations du centre de tabulation étaient rendues publiques quotidiennement par le directeur d'alors, M. Jacques Bernard.
Sur la base de l'analyse ci-dessus qui repose entre autres sur le facteur alpha, étant donné la popularité de Mirlande Manigat, étant donné le prestige et la sympathie dont elle jouit dans tous les mileux en Haiti, il est logique de penser, jusqu'à preuve du contraire que les 31,74% que lui a attribué le CEP, à la suite des changements introduits in extremis dans la base de données du centre de tabulation, ne correspondent pas à la réalité. Le CEP devrait chercher à faire la preuve à la population, et, à toutes celles et tous ceux qui ont voté pour Mirlande Manigat, que cette dernière a gagné ou perdu les élections avec le vrai pourcentage de votes (inconnu pour l'instant et à déterminer) qu'elle a obtenu le 20 mars 2011.
Qui auraient peur que Mirlande Manigat soit élu présidente d'Haïti: une frange des gens d'affaires haïtiennes et/ou étrangères ? une frange importante de la société haïtienne elle-même qui ne serait pas encore prête pour se laisser diriger par une femme ?
(*) Résultats élections présidentielles en France: france-politique.fr
Dernière mise à jour, dimanche 10 avril 2011, 08h07
Publié par Dr. Pierre Montès
http://jfjpm-politique.blogspot.com/2011/04/haiti-elections-2010-2011-mirlande.html