E) Pour un Véritable Développement Culturel et Artistique National

En ce qui a trait au développement culturel et artistique un renouveau est nécessaire pour l’épanouissement de l’haïtianité dans la manière dont nous nous voyons nous-mêmes la confiance que nous avons dans nous-mêmes et la fierté que nous tirons de notre passé. La reconnaissance d’identité culturelle comme fondement d’une appartenance commune à la même société exige une valorisation de la culture populaire et une promotion de l’art haïtien.
En effet, un peuple ne peut lutter et triompher des embûches du destin que s’il s’identifie, se reconnaît et communie dans des créations qui lui sont propres et qui lui permettent sans cesse de retrouver sa dignité et sa fierté et de croire en son génie.
La culture et l’art peuvent être un instrument d’enseignement et d’éducation populaire ; un soutien à la formation civique et à l’étude du passé et le meilleur moyen pour aider un peuple à prendre conscience de sa spécificité et de son originalité, de son unité et de sa solidarité, de ses valeurs particulières comme aussi de ses problèmes ; Un moyen d’occuper valablement la jeunesse et d’organiser à son intention et avec sa participation  des loisirs constructifs ; un instrument d’action sociale et de motivation ; Un moyen de combattre le chômage ; un appui au tourisme national et international et une source de revenus internes et externes.
Le potentiel culturel et artistique du peuple haïtien est impressionnant : musique, sculpture, peinture, littérature, danse, artisanat, etc. Sa créativité paraît inépuisable dans tous les domaines de l’art et de la culture. Ses sources d’inspiration sont variées, originales et fécondes, à commencer, par notre nature, notre histoire, le vaudou, nos réalités, nos besoins, nos rêves, nos aspirations et notre idéal. Ses talents sont remarquables et bien souvent insoupçonnés.
Le développement de la culture et des arts n’étant pas considéré jusqu’ici comme une priorité, compte tenu des nombreux problèmes auxquels la nation s’est trouvée en butte, aucune politique cohérente en vue d’encourager les écrivains et les articles et de promouvoir l’art et la culture n’a été mise en place par les dirigeants haïtiens, sauf à des moments exceptionnels ou sur initiative individuelle. Si de nombreuses écoles d’art ont été créées, elles ont rapidement périclité, faute de moyens et parce qu’elles restaient comme marge de la vie nationale. L’enseignement des arts, autrefois obligatoire, est devenu facultatif avant de disparaître entièrement des programmes. Le pays ne dispose actuellement ni de salles de concerts ni de théâtre, ni de salles d’expositions vraiment modernes et fonctionnelles. Le pays ne possède ni musées dignes de ce nom, ni archives artistiques bien tenues. Le patrimoine culturel et artistique se détériore et disparaît, souvent victime de l’incurie des pouvoirs publics et du manque de formation des élites et des masses populaires. Les manifestations culturelles et artistiques demeurent rares et dans l’ensemble, circonscrites à Port-au-Prince, souvent le patronage et grâce à l’hospitalité d’instituts culturels étrangers. Aucune loi ne protége les artistes et la production artistique et aucun contrôle n’est exercé sur le marché de l’art et de la culture. Les plus grands chefs-d’œuvre de notre peinture naïve, de réputation mondiale, ont déserté nos rives. Il s’ensuit un gaspillage des talents qui, n’étant pas soutenus et cultivés, n’arrivent pas à s’épanouir et à se maintenir ou le font difficilement ; Une sclérose et même une dégénérescence de la production culturelle et artistique ; un climat d’insécurité, de frustration et de désenchantement dans les milieux artistiques les plus valables ; Une indifférence du public haïtien pour la production nationale, due à son manque de formation, sauf des engouements passagers ; un envahissement de la vie  nationale par des produits culturels et artistiques étrangers menaçant, la jeunesse surtout, d’acculturation ; Une commercialisation dégradante de la production artistique, destinée à une clientèle étrangère et conduisant à un avilissement des valeurs spirituelles nationales. Et cependant, il existe une culture populaire et un art haïtien d’une grande richesse, d’une grande beauté, d’une grande originalité et d’un grand potentiel. L’Etat a pour devoir de contribuer à l’épanouissement et à la protection de la culture et de l’art. Mais son intervention doit être discrète pour ne pas étouffer la créativité en essayant de  la modeler ou de l’orienter.
Toute Politique culturelle et artistique doit viser à faire entrer la culture et l’art dans la vie publique et privée, urbaine et rurale ; Apporter la culture et l’art à toutes les couches de la société ; Former la sensibilité et le goût dans le Domaine de l’art et de la culture ; encourager et protéger la production culturelle et artistique et la faire connaître tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ; Assoire la culture et l’art haïtiens sur des bases solides, flexibles, durables et nationales en offrant les possibilités d’une éducation rationnelle et approfondie ; Organiser le marché de l’art en tenant compte des intérêts de l’art haïtien et des artistes haïtiens ; Favoriser les rencontres entre les artistes et les hommes de culture ; Mettre le public haïtien en contact avec les grands courants culturels et artistiques internationaux et faire participer les hommes de culture et les artistes haïtiens dans les compétitions internationales, notamment régionales (caribéennes et latino-américaines) dans les grandes rencontres culturelles internationales (en prenant garde, certes, de privilégier, l’Europe et l’Afrique, mères de notre culture syncrétique, mais en s’ouvrant sur l’universel) et dans les festivals de l’identité régionale comme CARIFIESTA ; donner à la culture et à l’art haïtien des structures physiques nécessaires à son épanouissement, à la recherche culturelle et artistique les moyens financiers d’aboutir (bourses, subventions etc.)
A propos de la fausse controverse créole contre français, le RDNP est tout naturellement d’accord pour affirmer et en faire en sorte que l’exclusive et le discrédit à l’égard du créole cessent, mais se refuse à jeter l’anathème contre la langue française, car on ne voit pas pourquoi la réhabilitation indispensable et l’enseignement  nécessaire du créole et par le créole devraient se faire aux dépens et au détriment du français chez nous.
Qu’entend-on d’ailleurs par langue nationale ? Il y a, semble-t-il, une confusion fâcheuse et quasi-générale à dissiper, entre une langue nationale et une langue populaire. Une langue populaire, c’est à dire parlée par le plus grand nombre, par le peuple, a toutes les chances d’être ou d’être promue langue nationale. Tel est le cas du créole, langue parlée par 100% des haïtiens. C’est à la fois notre langue populaire et notre langue nationale. Mais une langue est aussi nationale, quand elle fait partie de la tradition nationale, quand elle a été incorporée à l’histoire de la nation, quand elle a exprimé les douleurs, les peines et les joies, les aspirations et l’allégresse de la collectivité à travers son évolution historique, quand elle a servi de véhicule d’expression de l’âme nationale des les origines de la nation (la patrie, terre des pères, des ancêtres, la nation, cette âme qui se souvient d’avoir une histoire). Or, le français est la langue de l’acte de l’indépendance nationale, la langue de toute notre législation, la langue de toute notre littérature jusqu'à la seconde guerre mondiale. C’est pour nous une langue nationale, notre butin de guerre selon un joli mot de Jean Fouchard. Nous avons donc bien deux langues nationales : c’est là aussi que réside notre bilinguisme, même si, jusqu’ici, le français n’est parlé que par 15% de la population et donc n’est pas encore une langue populaire.
Et puis, l’exclusivisme créole n’aboutirait qu’à reconduire, sous une autre forme, ce monopole du français qui a été et est encore, la marque de la domination de la société haïtienne par ce qu’on appelle ordinairement l’élite. En effet, le peuple haïtien, éduqué exclusivement en créole, se trouverait non seulement coupé de l’extérieur c’est à dire de la culture mondiale, mais encore et surtout coupé de la culture écrite haïtienne. Il faut donc, non pas couper les ponts avec la langue française, mais ouvrir au peuple haïtien tout entier l’accès au français, afin de lui donner une ouverture directe sur le monde, et d’éviter, en quelque sorte, de l’enfermer dans un ghetto créole auquel seule échapperait, grâce à sa connaissance du français et des autres langues étrangères cette élite traditionnelle que l’enseignement du créole était censé déposséder de son monopole culturel.
Certes le créole a été, pendant trop longtemps, une langue opprimée. Il était temps de le libérer. En outre, il peut servir de langue de liaison avec d’autres populations créolophones de la Caraïbe (et même certaines îles anglophones ou le créole est parlé couramment et concurremment telle Sainte-Lucie ou la Dominique etc.) N’ayons plus de complexe à l’égard du créole, mais ne créons pas un complexe à sens inverse à l’égard du français. Finissons-en avec tout complexe de langue ! Il ne tient donc qu’à nous de rendre le bilinguisme réel, populaire, démocratique, en généralisant le français, toute la population de la Martinique et de la Guadeloupe est scolarisée en français pour briser le monopole culturel de l’élite et ouvrir au peuple haïtien l’accès, par une langue de grande culture, à la culture universelle, mais aussi en valorisant le créole pour sa promotion comme langue à part entière, statut linguistique du créole à mettre au point, et en favorisant la production d’œuvres de valeur en créole, en traduisant en créole les chefs d’œuvres littéraires et scientifiques du monde entier et en publiant en créole les actes administratifs, judiciaires et juridiques, techniques, pédagogiques et culturels de la nation. C’est là le chemin vers un authentique bilinguisme français-créole en Haïti.
La mise en valeur des données spécifiques d’une esthétique haïtienne, la protection de la production culturelle et artistique haïtienne ne doivent en aucune façon, conduire à un chauvinisme et à un isolement artistique. Le chauvinisme ne pourrait conduire qu’à un appauvrissement et même à une sclérose des arts haïtiens. Une mise en contact contrôlée du public et des artistes haïtiens avec les arts étrangers de qualité est indispensable et peut être source d’enrichissement, de maturation et conduire à une meilleure connaissance des valeurs typiquement haïtiennes.


Infrastructures :

Le pouvoir RDNP préconise le programme suivant :

1.-     Construction d’un grand Musée d’art national chargé de recueillir les œuvres contemporaines et de petits musées municipaux.
2.-    Construction de salles d’expositions, ces dernières salles pouvant servir à d’autres activités culturelles.
3.-    Construction de petits théâtres populaires en plein aire, un au moins dans chaque commune. Ces théâtres pourront servir pour des représentations théâtrales, des concerts et des représentations de danse.
4.-    Construction à Port-au-Prince d’un théâtre national populaire pourvu de tout l’équipement nécessaire aux spectacles.
5.-    Construction de centres de formation artistique pouvant délivrer des cours d’art et d’artisanat variés, et des maisons de la culture à l’image de l’exemple français.
6.-    Reliaison entre et même regroupement fonctionnel sinon institutionnel des 8 organismes classés culturels mais qui se sont dissociés de la tutelle du directeur général de l’institut national de la culture et des arts, pour devenir autonomes : Bibliothèque Nationale, l’Ispan, le Bureau d’Ethnologie, les Archives Nationales, le Théâtre national, la Commission de coopération avec l’UNESCO, les Musées et l’Ecole Nationale des Arts.

Formation :

La formation doit s’étendre non seulement aux artistes mais au public le plus large.

1.-    Rendre des cours d’art obligatoires à tous les degrés de l’enseignement fondamental et secondaire.
2.-    Rendre l’enseignement de l’histoire de la culture et des arts nationaux et internationaux obligatoire à l’enseignement secondaire et supérieur.
3.-    Créer à travers le pays des centres de formation artisanale, artistique et culturelle que peuvent accueillir les Maisons du Peuple.
4.-    Consolider les structures déjà mises en place pour l’enseignement des arts au niveau supérieur pour la formation des cadres d’enseignants en art et d’archéologues et historiens de l’art.
5.-    Organiser des cours de recyclage pour les artistes déjà engagés dans la carrière artistique.
6.-    Organiser des programmes visant à la formation et a l’information artistique du public (radio, télévision).
7.-    Organiser des programmes destinés aux artistes sur les problèmes de l’art haïtien, programmes qui devraient tendre également à leur formation technique de base.
8.-    Organiser sur une base régulière des conférences et des séminaires sur l’art haïtien et international.
9.-    Encourager le public à assister aux manifestations culturelles et artistiques en réalisant ces manifestations dans les milieux populaires et ruraux et en organisant des expositions nationales itinérantes.
!0.-    Encourager la publication d’une revue d’information et de formation en matière d’art et de culture.
11.-Elever des monuments aux grands artistes disparus Donner leur nom à des rues et à des places publiques.

Organisation socio-économique :

Le pouvoir RDNP s’engage à :

1.-    Etablir    une législation sur le marché de l’art et de la culture en vue de garantir la qualité et l’authenticité des œuvres, de détendre les intérêts des auteurs, d’établir les droits et prérogatives des galeries et leurs devoirs.
2.-    Etablir une législation pour garantir efficacement les droits d’auteur et les droits de propriété artistique.
3.-    Travailler de façon discrète, mais ferme au contrôle de  l’exportation des œuvres d’art pour éviter la fuite des chefs d’œuvres.
4.-    Etablir un système de taxation spécial selon le modèle franco-canadien pour financer les projets artistiques.
5.-    Organiser un système d’allocation ou de prêts pour financer les projets artistiques déjà engagés et approuvés par une commission permanente des arts.
6.-    Créer une commission permanente des arts et de la culture pour connaître des problèmes de l’art et des artistes haïtiens, protéger les droits d’auteurs, authentifier les œuvres et prendre des mesures contre les contrefaçons, mais aussi aider les artistes et écrivains en difficulté ou devenus vieux sans moyen d’existence.
7.-    Créer un ordre des arts et de la culture en vue de récompenser, sur propositions de la Commission permanente des arts et de la culture, ceux qui auraient contribué, de manière significative, à l’enrichissement du patrimoine artistique et culturel de la nation.
8.-    Organiser sur une base régulière des concours variés permettant de déceler des jeunes talents et de les faire connaître.
9.-    Organiser la promotion de la culture et de l’art haïtien a l’intérieure, dans la diaspora et à l’étranger.


Récupération et Conservation :

Le Pouvoir RDNP est décidé à :

1.-    Faire prendre conscience au public de la valeur et de l’importance des œuvres d’art, de la nécessité de les récupérer, de les protéger, de les conserver, de les respecter et de les faire respecter, de les valoriser.
2.-    Rechercher systématiquement les survivances culturelles et artistiques du passé, sites archéologiques, partitions, manuscrits, photographies, gravures, affiches etc. les cataloguer, assurer leur protection et faire comprendre au public leurs intérêts artistiques et historiques.
3.-    Organiser des ateliers de restauration en vue du sauvetage des œuvres et des manuscrits menacés de détérioration.
4.-    Organiser les archives des différents arts.
5.-    Inventorier et classer en vue d’en assurer la protection, les édifices privés et publics révélant un intérêt artistique et historique.
6.-    Etablir une législation contre le vandalisme et l’incurie dans le domaine de la protection des arts et de la culture.