31 octobre 1919 - 31 octobre 2019
31 octobre 2019
«Ils ont tué le caco», jubilaient certains, tandis que d’autres pleuraient amèrement l’assassinat de Charlemagne Péralte, l’icône nationale, la figure emblématique de la résistance active contre la première occupation du territoire haïtien par le corps des marines des Etats -Unis . 31 octobre 1919, il y a cent ans, ils ont vaincu celui qui «par monts et par vaux, prêcha la guerre sainte contre les blancs dans tout le pays caco», dans le pays de l’Empereur Jean Jacques Dessalines, pourtant, divisé sur les raisons et l’opportunité de ce débarquement sur le sol national.
Troubles sociopolitiques, succession de gouvernement provisoire, ces faits ont été évoqués pour justifier que «les Blancs débarquent», protégeant leurs intérêts politiques, stratégiques et surtout matériels, dans ce qu’ils considèrent comme leur «back yard». Un débarquement qui, au final, n’aura signifié : avantages pour certains apatrides, accrochés aux privilèges indus de classes, aux vanités et superfluités terrestres, et, profanation, pour d’autres irréductibles, tels Pierre Sully , Charlemagne Péralte, Benoit Batraville, attachés aux nobles idéaux de dignité, de grandeur de l’acte originel - la révolte des africains réduits en esclavage - qui a renversé un systeme de production de richesse mondial et ramener la troisième planète plus proche du soleil à la dimension humaine.
On ne peut faire mieux que le célèbre historien, Roger Gaillard, qui a consacré plusieurs tomes à cette période troublante de la vie nationale. «Premier écrasement du cacoïsme», «Hinche mise en croix», «Charlemagne Péralte le caco», ces ouvrages, publiés sous la rubrique : «Les Blancs débarquent», situent, en particulier, les faits qui ont marqué la révolte conduite par le caco, soldat au service d'une cause , contre la souillure faite à l’honneur et à la dignité du peuple haïtien. Les citations, faites en quatrième de couverture de ces ouvrages, sont significatives et peuvent faire, aujourd’hui, l’objet de réflexions sur la situation sociopolitique actuelle du pays. «Les beaux chemins sont un bien et un très grand bien ; mais la corvée est un mal et un très grand mal». «Quand donc serons-nous de vrais Haïtiens ? Est-ce seulement quand nous aurons cessé de l’être».
Il y a cent ans, les blancs ont tué le caco Charlemagne Péralte, qui a été révulsé, révolté par les criantes contradictions sociales ; d’un côté, les opportunités offertes à la classe possédante composée de mulâtres et aux privilégiés du système sociopolitique, de l’autre, la corvée et les maltraitances, dont ont été victimes, les masses défavorisées, noires et paysannes. À peu près, les mêmes contradictions qui ont été l’objet de l’assassinat crapuleux du père-fondateur de la patrie, Jean jacques Dessalines, perpétré, 115 ans au paravent, par ceux qui voulaient jouir de tous les droits et privilèges. Au détriment de «ceux dont les pères sont restés en Afrique…».
À partir d’une analyse comparée de ces périodes de notre histoire, le RDNP, Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes, veut faire un rapprochement entre les causes, effets, circonstances des évènements, responsables de nos malheurs séculaires. Il y a 203 ans, pour s’être opposés à une juste et équitable répartition des richesses du pays, avec les personnes réduites en esclavage, des affranchis ou anciens libres ont basculé le pays dans une instabilité politique chronique, résultante de leur infamie, de leur infidélité, de leur parjure, de leur parricide. Laquelle instabilité a servi, plus d’un siècle après, de prétexte à l’intervention américaine, exacerbant - avec le même relent discriminatoire, raciste, inique - les contradictions sociales qui ont été le mobile des actions héroïques de guérilla du caco Péralte. Il y a donc des leçons et conclusions simples à tirer : ce pays risque, au rythme des bouleversements politiques périodiques, l’effondrement total, tant qu’il ne se rachète pas de cette parricide, tant qu’il n’effectue pas son orientation politique vers les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, dans l’union qui doit faire la force de l’État-Nation.
Les beaux discours sont beaux et sont l’expression de bonnes intentions, donc il faut bien vouloir matérialiser ce besoin d’équité, de fraternité, de justice sociale, à travers l’application réelle de politiques publiques, susceptibles de satisfaire les justes et légitimes revendications populaires, exprimées, il y a plus de 203 ans, renouvelées, en 1986, et, sur la table, aujourd’hui encore. «Quand donc serons-nous de vrais haïtiens et haïtiennes ? ». Au moment où nous ferons notre deuil de nos divisions séculaires, de nos rancœurs, de nos injustices, de nos préjugés, de nos haines, de nos ambitions démesurées, pour nous reconnaitre frères et sœurs, liés par un héritage commun à gérer, par un destin commun à forger.
En ce 100e anniversaire de l’assassinat crapuleux de Charlemagne Péralte, ce sont ces réflexions et préoccupations que nous, membres actifs du RDNP, voulons partager avec tous les nationaux, patriotes, démocrates, progressistes pour qu’ils se manifestent, dans la vie politique active, comme des citoyennes et citoyens aptes à conjurer l’imminence des mauvais sorts qui hantent la société haïtienne, aujourd’hui, et, du même coup, l’effondrement total de la Patrie commune.
Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale.
Met men, pran desten nou an men.
Eric Jean Baptiste
Secrétaire Général du RDNP