L'Abandon D'un Choix Ou Le Choix De L'Abandon

Une critique aisée de l’accès du professeur Manigat au pouvoir en 1988  fait état d’un compromis politique qui semble justifier le coup d’état de cette même année.  Elle met l’accent sur son élection comme une action qui ne visait que l’intérêt personnel. Des compatriotes de bonne foi, mais plutôt mal informés, partagent cette opinion.  Il revient donc à notre parti, le RDNP, de continuer à clarifier certains faits pour l’histoire et pour une meilleure compréhension de notre réalité politique.

Avant l’accession du Professeur au pouvoir, des « faiseurs de rois » aux bras d’acier contrôlaient le pouvoir et les élections en Haïti.   La chute de la dictature rétrograde et sanguinaire des Duvalier les avait remis en selle comme « balanciers » du sort national.   L’heure avait sonné pour eux de prendre leur revanche sur n’importe quel gouvernement civil a tendance progressiste annonciatrice de changement en profondeur dans notre pays.  C’était aussi l’occasion du réveil de leurs réflexes brutaux, générateurs de peur et d’actes barbares sur la population. Ainsi, ils ont concocté un plan macabre pour noyer dans le sang les élections organisées sous leur propre gouvernement.  La Ruelle Vaillant a été le théâtre d’une tuerie où des votants, des électeurs responsables, patriotes et courageux, ont payé de leur vie le droit civil de voter.  Nous rendons, une nouvelle fois, à ces victimes un hommage tout particulier, car leur sacrifice a, une fois de plus, mis l’accent sur l’ampleur de nos problèmes politiques.

Cet évènement fit frissonner tous les vrais démocrates haïtiens.  Car, une fois de plus, des forces macabres tentaient de « zombifier » tous ceux qui voulaient une vie meilleure pour la majorité souffrante des Haïtiens.  Face à cette dangereuse situation du « Fè dlo kò yo benyen kò yo », le sang des votants coula pour que le statu quo continuât de régner.  Ce qui entraîna le choix d’un repli stratégique immédiat sur la scène politique, de certains hommes politiques haïtiens, avec à coup sûr, leur agenda secret en poche pour l’accession au pouvoir.  C’était à première vue l’abandon d’un choix ou le choix de l’abandon d’une option qui pourrait déboucher sur une alternative politique et constitutionnelle issue d’un consensus national.

Réalisant la gravité de leur erreur, et sous une certaine pression étrangère, les « faiseurs de roi » prirent la décision d’organiser de nouvelles élections.  Quatre candidats décidèrent d’y participer : Hubert de Ronceray, Feu Grégoire Eugène, Gérard Philippeau et Leslie Manigat.  Il devait y avoir un vainqueur.  Ce fut le Professeur Manigat.  Cependant, la participation à ces joutes électorales réclamait de chaque candidat du courage, de la lucidité, et de l’habilité politiques pour redonner l’espoir à l’électorat démocratique haïtien, ainsi que le respect des prescriptions de l’article 285 des dispositions transitoires de la constitution de 1987 qui stipule :
« Le Conseil National de Gouvernement reste et demeure en fonction jusqu’au 7 Février 1988, date d’investiture du Président de la République élu sous l’empire de la Présente Constitution, conformément au Calendrier Electoral. »

Les anarchistes, les assoiffés du pouvoir qui avaient leur agenda secret pour la destruction du pays refusèrent de se soumettre à la logique juridique, au bon sens, et au droit.
 


Une Question de Courage et d’Intégrité
L’exercice du pouvoir en Haïti, à cette époque, exigeait du courage pour faire face à la réalité sombre du pays.  Aujourd’hui, cette réalité est pire et requiert plus que jamais des qualités exceptionnelles pour y faire face.  Les adeptes en science politique savent qu’il faut parfois collaborer avec ses adversaires politiques pour atteindre à un changement national.  Le courage du Professeur Manigat l’a inspiré et l’a conduit au palais national.   Pendant les quatre mois de sa présidence, il a fait preuve de courage, d’intégrité et d’implantation d’un gouvernement démocratique en essayant de se distancer des « faiseurs de rois » qui n’avaient aucun souci de contribuer à la remise de notre pays sur les rails du progrès social et de la démocratie.

Une Question de Vision
L’accès du Professeur Manigat à la présidence d’Haïti a clairement démontré qu’il nourrissait chèrement une vision de changement pour Haïti.  Il a fait choix d’un cabinet ministériel compétent.  Il a évité les écueils du népotisme.  Il n’a ni dilapidé, ni pillé les caisses de l’état.  Il n’a pas contribué à faire de son pays un paradis de la drogue.  Les grand commis de l’état ainsi que tous ceux qui étaient appelés à faire partie de l’administration, étaient astreints à la compétence et à l’honnêteté.  Il n’a armé aucun bras à des fins politiques pour imposer une dictature au pays et rançonner la population.  Il n’a laissé aucun héritage de « chimè », de « zenglendo » et de kidnapping.

Avec Leslie Manigat, la transparence administrative, le respect des vies et des biens, le respect de la loi et de la constitution, la communication directe avec le peuple sur les actions de son gouvernement, le respect des principes démocratiques de gouvernement ne furent point de vains mots.  De 1986 à ce jour qui peut se targuer d’offrir une alternative politique pareille à celle qu’a suivie Leslie Manigat ?  De plus, il n’a jamais requis l’occupation de son pays pour reprendre un pouvoir perdu par coup d’état militaire.  Son patriotisme n’a jamais été mis en doute.  Sous ce rapport, même nos contempteurs étrangers le respectent.  Placé entre l’enclume et le marteau des problèmes du pays et « des faiseurs de rois », il a choisi l’exil plutôt que de faire couler le sang de ses compatriotes et d’imposer un embargo destructeur de l’économie nationale.  Il est grand temps pour le peuple haïtien de pouvoir distinguer les loups des faux bergers et de pouvoir choisir finalement, en connaissance de cause, ceux–là qui sont appelés à le diriger.

Aujourd’hui, le Professeur Manigat s’éloigne de la politique et jouit d’une retraite enrichissante et productive.  Cependant il demeure un citoyen conscient des problèmes de son pays et un patriote farouche qui croit fermement en une vision progressiste pour Haïti.  Le RDNP a choisi pour le remplacer à sa tête une citoyenne qui a collaboré pendant longtemps avec l’ancien Secrétaire Général:  Mme Mirlande Hyppolite Manigat.  Nous reviendrons sur les qualités intrinsèques de la Nouvelle Secrétaire Générale qui, si le peuple haïtien et Dieu le décident, est appelée à un destin de grandeur pour Haïti.

L’histoire se souviendra du Professeur Manigat comme un homme intègre, un brillant intellectuel, un humaniste, un patriote éclairé, et un homme qui croit fermement en une vision progressiste pour Haïti.  S’il faut le blâmer pour avoir le courage de faire la politique autrement et de promouvoir l’intérêt d’Haïti, alors ce blâme ne peut venir que de ceux qui ne savent pas ou ne se soucient point des exigences de l’avancement de la cause haïtienne.  Aujourd’hui encore nous approchons du moment crucial de notre histoire, du moment où nous aurons à faire le choix difficile d’un leader sérieux, honnête, compétent et concerné par l’intérêt national.  Nous ne pouvons ni opter pour l’abandon de faire un choix responsable, ni faire le choix de l’abandon.  L’avenir du pays en dépend.  Le temps est venu d’orienter nos regards vers  l’exercice de la liberté et la poursuite du progrès.  Ceux-ci requièrent une nouvelle façon de contourner les obstacles sans nombre qui entravent la bonne marche de notre pays.  Il faut du courage, de l’intégrité, et une vision progressiste pour nous aider à sortir des ornières civiles, politiques et économiques de notre patrie.  C’est là le rêve de notre nouvelle Secrétaire Générale, Mme Mirlande Hyppolite Manigat, qui entend, elle aussi, concevoir, dire et faire la politique autrement pour lancer notre Haïti sur la voie du progrès sur tous les plans.

Rigobert Carty, av.
Miami, le 6 Juillet, 2009.