Lettre-circulaire exceptionnelle

Chers compagnons de lutte,

En cette veille de Noël, je prends plaisir à vous adresser mes voeux, sincères et affectueux, venant du cœur et chargés d'émotion.

Où que vous soyez, en Haïti ou dans les frimas de l'Europe et de l'Amérique du Nord, j'espère que vous ferez une halte pour vous réunir avec vos parents et vos amis, et goûter aux joies de cette tradition issue de la religion, mais devenue païenne et universelle. Pour les chrétiens, c'est l'anniversaire de la naissance du Christ et il est difficile de ne pas y songer.

Pour ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne, c'est un moment de paix et de joies, surtout pour les enfants. J'appartiens à la génération qui croyait encore au Père Noël, et c'est un souvenir enchanteur de mon enfance que la découverte des jouets (ô combien modestes car ma famille appartenait à la classe moyenne), au pied du lit, le lendemain matin. Je me souviens que mon père combattait non la pratique mais la symbolique qui la justifiait; il estimait, en effet, que ce Père Noel était trop injuste car il ne récompensait pas tous les enfants d'Haïti et il oubliait les pauvres. Cette pensée m'a impressionnée, s'est  inscrite dans mon esprit et elle m'a accompagnée, malgré la déception de devoir dissiper une croyance charmante, mais en grandissant, même avant mes engagements politiques et sociaux, elle a conforté, avec d'autres maximes de mon père, mes convictions quant à la nécessité de combattre les injustices sociales chez nous qui se manifestaient à l'occasion d'évènements, significatifs quoique secondaires, tels que la fête de Noel.

En cette veille du jour de Noel, j'ai une pensée affectueuse pour mon vieux père qui a contribué à façonner ma personnalité de manière à me permettre d'ouvrir les yeux sur les réalités de notre pays.

J'aime dire que j'ai eu la chance de compter avec les deux hommes qui orientent le destin d'une femme : son père pour les premières années, et surtout son époux : ce dernier m'a apporté, avec l'amour, la sérénité que procurent la confiance et la considération. Vous me permettrez, j'en suis sûre, de penser au premier, disparu, et d'exprimer, une fois de plus ma reconnaissance affectueuse envers le second.

Mais je pense aussi à ceux de nos compagnons qui  nous ont quittés au cours de cette année 2009 ou qui ont perdu un être cher. Les premiers sont désormais dans la lumière et, j'en suis convaincue, ils veillent sur nous. Certains de nos compagnons ont souffert à cause du décès de gens proches, parents et amis. Je souhaite que la paix de Noel atténuera leur peine sans la faire disparaitre, et je compte sur le visage radieux de leurs enfants et petits-enfants pour les porter à sourire à ce merveilleux don qu'est, tout simplement, la vie.

Mais, vivant au pays, nous ne saurions ne pas penser à la majorité de nos compatriotes qui n'auront pas un Noel et un 1er janvier joyeux, à cause du dénuement permanent dans lequel ils vivent. Certains vont recevoir ce petit "chocho" salvateur et bienvenu, que leurs parents leur enverront depuis l'étranger. Cette aubaine particulièrement appréciable ces jours-ci, leur permettra, sans doute, à défaut de la dinde traditionnelle hors de prix, qu'elle soit locale ou importée, d'acheter quelques jouets pour leurs enfants, afin de les réjouir, au moins un jour, et sans doute aussi, de faire "monter la chaudière" pour la soupe du 1er janvier (dont les ingrédients demeurent assez prohibitifs, car il faut compter avec plus de 250 gourdes pour une soupe pour une famille de 5 à 6 personnes, sans compter les "voisinages" qui viennent souhaiter "la bonne année" tôt le matin et auxquels, comme le veut la tradition, il convient d'inviter à partager ce repas).

Si vous en avez encore l'opportunité, faites-nous parvenir une somme, même modeste, afin qu'en votre nom, nous aidions au moins nos vaillants militants du Bureau Central, dévoués en permanence. Ce samedi 26, comme nous le faisons chaque année, nous organisons une petite fête fraternelle qui nous réunira tous, c'est-à-dire environ 300 personnes. Certains d'entre vous ont déjà envoyé une enveloppe pour y contribuer et aussi pour gâter un ou deux membres nommément et je les en remercie; mais il y en a d'autres qui n'auront rien. Alors, faites le geste. Si vous n'avez pas le temps pour Noel, vous pouvez encore vous rattraper pour la fin de l'année. Je compte sur votre générosité que je ne cesserai pas de solliciter, avec confiance.

J'ai volontairement placé le début de cette lettre dans le cadre des sentiments. Nous sommes des êtres humains conscients et réceptifs aux émotions : c'est le côté "kè cho" de notre slogan. Mais je voudrais aussi vous parler de nos préoccupations politiques et faire, avec vous, le bilan de l'année 2009 et anticiper les perspectives de celle qui s'ouvre dans une semaine.

Des compagnons de lutte, parmi les plus fidèles, ont exprimé leur étonnement en apprenant que nous avions négocié une alliance avec certains partis politiques pour former la Plateforme des Patriotes Haïtiens, PLAPH (prononcer PLAP, comme dans PLAP-PLAP-PLAP, une onomatopée déjà connue et mobilisatrice). Je ne comprends pas, car dès la genèse du groupe, je vous en avais informé. J'avais fait l'historique de cette formation d'ailleurs publiée sur le site Internet du RDNP. Mais je comprends que ces informations aient pu échapper à la vigilance attentive de certains membres.

Sachez donc que le RDNP n'a pas disparu et ne disparaitra pas. Avec le GREH d'Himmler Rebu, le Bloc 20 de Marc Guillaume, ADEBAH de Me René Julien et le MNP-28 de Déjean Belizaire, nous avons donc formé cette plateforme avec l'ambition non seulement d'aller aux élections ensemble mais aussi de gouverner ensemble plus tard. Nous venons de franchir la première étape car nos différents partis ne se sont pas inscrits au CEP mais la Plateforme, et nous avons présenté des candidats communs : en tout 62 pour le Sénat et la Chambre et le RDNP a fourni la moitié des candidats, particulièrement dans les deux Départements de l'Ouest et du Sud.

Vous le savez, nous maintenons de sérieuses réserves en ce qui concerne la crédibilité des membres du CEP et, avec une vingtaine d'autres formations, nous avons demandé leur départ. Mais en toute lucidité, nous pensons participer aux élections et nos candidats sont déjà à pied d'oeuvre. Il s'agit pour nous de concilier le réalisme, le respect pour nos candidats et la nécessité d'observer certains principes de moralité publique.  Les candidats issus du RDNP ont eux-mêmes payé la caution exorbitante réclamée par le CEP (50.000 gourdes pour un candidat à la Chambre et 100.000 si un citoyen veut se présenter pour le Sénat). Nous n'avions pas les moyens de les aider dans ce sens et ils ont déjà commencé à se débrouiller pour trouver l'argent nécessaire à leur campagne. Nous nous battons de notre côté pour pouvoir les aider, mais ici en Haïti, règne un scepticisme quant à la tenue même des élections, un état d'esprit qui n'inspire pas la générosité chez ceux qui sont en mesure d'aider. Effectivement, beaucoup de gens ne croient pas que  les élections auront lieu, ou alors, qu'elles seront menées de façon à apporter une insolente victoire au parti gouvernemental INITE, que la malice populaire identifie d'ailleurs comme INITE-INIQUITE. C'est un risque sérieux, mais nous avons décidé de ne pas abandonner le terrain; au contraire, il s'agit de doubler de vigilance, de mobiliser la population encore méfiante et apathique, pour qu'elle épaule l'action des partis, car les élections, c'est aussi leur affaire. Et enfin, nous agissons aussi au niveau international et, à leur demande, nous avons rencontré quelques membres de la communauté internationale qui se sont montrés réceptifs à nos arguments. Mais, vous le savez, les ambassadeurs sont des exécutants, encore peuvent-ils intervenir auprès de leurs gouvernements respectifs afin au moins de les informer correctement au sujet de la situation haïtienne. Nous vous exhortons à faire de même auprès des contacts dont vous disposez à l'étranger et à mobiliser vos relations professionnelles et sociales.

Nous vous tiendrons informés au sujet des développements qui ne transpirent pas dans la presse à laquelle, je  le sais, vous avez un accès permanent. D'ici là, je veux dire avant les élections, ne perdez pas de vue que les jours qui viennent marqueront une trêve, une baisse de la pression politique et les activités reprendront à partir du 4 janvier.

Je réitère mon appel à la vigilance et à la solidarité.

Le fondateur du RDNP, notre Maitre à tous, le Président Leslie Manigat, m'a priée de vous transmettre ses voeux. Vous le savez, même s'il s'est retiré de toute activité politique publique, se consacrant à la recherche et à la publication, il demeure vigilant pour tout ce qui concerne le parti et il est pour moi, dans l'accomplissement de mes responsabilités en tant que Secrétaire Générale, un guide incomparable, toujours attentif, et ses conseils me sont d'une exceptionnelle utilité.

A vous, mes chers compagnons de lutte, mes souhaits de bonheur personnel et de poursuite de l'engagement collectif pour que triomphent dans notre pays une démocratie avec des principes indiscutables, une vision et une méthode capables de résister au temps et aux entreprises délétères des hommes; le développement à enclencher sur des bases et avec des mécanismes qui le rendront durable; et enfin la justice sociale sans laquelle le destin de la nation ne s'engagera pas de manière équitable. C'est la trilogie qui fait notre force et notre raison d'être.

Tèe frèt, kè cho, men pwop

Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu'à la victoire finale !

Mirlande Manigat
Secrétaire Générale

P.S. Je viens d'achever de rédiger le résumé, en français, de notre Programme de Gouvernement "Changer la vie". Il est prêt pour être édité. Les Branches Régionales qui le souhaitent (et c'est, sous ma plume, une instruction), peuvent s'adresser à notre Trésorier, Jocelyn Louis Borgella, pour placer une commande. Le prix est de US$ 2 (deux dollars américains) l'unité.