L’espace et la musique pour le voyage éternel de Fritz Benjamin

La nouvelle de la mort du professeur Fritz Benjamin, ancien ministre des Travaux publics (1984), est parvenu aux oreilles de ceux qui l’ont aimé comme des sanglots longs d’un violon. L’artiste, le passionné du jazz, qui s’est battu contre le cancer, a rendu l’âme dans sa résidence à Marlique. « Monsieur Benjamin devait se rendre régulièrement aux États-Unis pour se faire soigner. La dernière fois que je l’ai vu, c’était le dimanche 12 avril. Mais il savait déjà qu’il lui restait peu de temps à vivre », a confié son ami Raoul Denis Jr (Tira). Violoniste comme lui, Tira a collaboré avec ce dernier pendant vingt ans.

Les cordes du violon de l’artiste, vibrantes de fluides mélodiques, accompagneront toujours nos randonnées musicales, des randonnées vers des grands espaces où l’esprit se sent complètement en fusion avec les beautés éternelles, le bien et le juste.  Le violoniste soliste ne s’opposait pas toujours au musicien jouant au cœur d’un pupitre, il s’ouvrait souvent à l’ensemble, au chœur de musiciens. Dans son costume de chef de l’orchestre Pro Musica, Fritz Benjamin donnait, dans les années 70 et 80, des concerts périodiques. Plus proche de nous encore, il exécutait des morceaux des registres de jazz avec Buyu Ambroise et William Macena.

L’artiste dont les notes planaient dans l’espace a eu une belle vie d’architecte. Il savait jouer avec les notes, les formes et les agençait harmonieusement dans des constructions pour produire une expression culturelle propre à notre esthétique.

 

Dans une note de presse signée du président du Collège national des ingénieurs et architectes haïtiens (CNIAH), l’architecte Gérald Emile Brun présente Benjamin comme un cadre modèle dont la carrière sera couronnée par le poste de ministre sous la présidence de Jean-Claude Duvalier en 1984. 

Ce professeur qui a enseigné à la Faculté des sciences (1961 à 1973) était toujours sur la brèche. 

Parlant de ses réalisations, l’architecte Brun précise : « Il a conçu et exécuté des résidences, centres de santé, complexes scolaires, auditoriums, bureaux, complexes résidentiels, a été responsable de travaux de réaménagement et de réhabilitation des locaux de la Banque Centrale (BRH), entre autres. Ses réalisations les plus importantes sont l’auditorium de l’Institut français, l’immeuble de la Socabel, l’auditorium et le complexe scolaire de 5 bâtiments de l’Institut haitiano-américain. » 

Puisqu’il connaît le parcours de ce confrère, il nous conduit sur sa trace. Benjamin a été « gradué de la Faculté des sciences en 1952, connue à l’époque sous le nom d’École polytechnique d’Haïti. Il a poursuivi ses études à la Faculté d’architecture à l’Université de Berlin-Ouest, en tant qu’étudiant libre, de 1962 à 1963 ». Pour l’avoir côtoyé, il estime que ce professionnel « a eu tout au cours de sa longue carrière, un parcours exemplaire dans le privé, dans l’académique et dans le public». 

Brun se rappelle que son confrère « a travaillé comme consultant pour les Nations unies pendant de nombreuses années. Au niveau privé, Fritz a travaillé avec des architectes tels que Raymond Mallebranche et Pierre St-Come, et son premier emploi lui a été offert par l’ingénieur Jean Vorbe qui construisait la cathédrale des Gonaïves. Toute sa vie, il s’est souvenu de la qualité de la formation méticuleuse qu’il avait reçue. En 1969, Fritz crée avec son ami et collègue, l’ingénieur Louis Jadotte, la firme d’architecture et d’ingénierie Benjamin-Jadotte qu’il a dirigée jusqu’à la fin de sa vie. Au cours de cette collaboration, Fritz a pu développer un style et un langage architectural propre à lui».  

De plus, aux Travaux publics (1971-1984), il a œuvré à différents titres : architecte au Service d’urbanisme, chef de ce service, assistant de l’ingénieur en chef, coordonnateur et consultant. En outre, de 1983 à 1984, il a occupé les fonctions de secrétaire d’État. 

Ce professionnel, qui a l’espace et la musique pour ce voyage éternel, était, aux yeux de l’architecte Gérald Emile Brun : « talentueux, multilingue, discipliné et très minutieux dans son travail. Fritz a toujours été très généreux avec tous ceux qui avaient besoin de conseils professionnels, car il comprenait le besoin de former les générations futures. »

Claude Bernard Sérant
Source: Le Nouvelliste