Avant-Propos Et Introduction

Le peuple haïtien sort à peine de l’horreur d’une longue nuit dictatoriale, peuplée de cauchemars traumatisants. Au moment du réveil, à l’aube de la liberté retrouvée, il est normal qu’il cherche réponse à la question : « De quoi demain sera-t-il fait ? » Il y a longtemps déjà que nous préparons cette réponse : « L’avenir sera ce que nous voulons qu’il soit. »  Si nous savons, Dieu aidant, assumer notre destin. C’est pourquoi nous du RDNP, après avoir été hier, pour nous être mis au service de la liberté de notre peuple, les homes de la protestation et du refus, nous sommes aujourd’hui appelés à devenir, parce que nous incarnons la cause du peuple, des hommes de pouvoir pour réaliser, dans la vie nationale, l’objectif désormais possible d’un développement intégré dans et par la démocratie.
Renouant avec la grande tradition des temps forts d’un passé qui a étonné le monde, et dont nous nous enorgueillissons à juste titre, notre peuple, le 7 février 1986, comme le paralytique de l’Evangile, a trouvé en lui-même, à l’appel de la liberté, les ressources nécessaires pour se lever et marcher. Ce faisant, il a signifié sa volonté que le pouvoir ne doit plus servir à satisfaire l’instinct de domination d’un autre Caligula, ni à construire le lieu de passage obligé pour l’édification rapide de fortunes mal acquises. Hier 29 mars 1987, le peuple s’est retrouvé à nouveau pour confirmer son NON à toute la corruption administrative éhontée. Tournant le dos résolument au passé dans ce qu’il charrie de rétrograde et de nécrotique, il veut reprendre sa marche en avant et renouer avec la vie. Pour cela, il veut du neuf, avec des hommes neufs. Il aspire à vivre autrement pour pouvoir enfin vivre mieux. Aussi, aux prochains comices électoraux au cours desquels la nation va être appelée à faire le bon choix, nul ne devrait plus prétendre solliciter les suffrages populaires sans définir et présenter clairement l’option qu’il représente et propose.
Le programme que notre troisième Convention a adopté, constitue l’option offerte par le RDNP pour changer la vie du peuple haïtien, afin d’assurer des lendemains meilleurs à tous. Il est le couronnement provisoire d’un effort commencé avec  « Les Impératifs de la Conjoncture » (1979) et poursuivi de manière continue et sous la forme d’un discours cohérent jusqu'à la « Lettre aux intellectuels, techniciens et professionnels » (1986). De solitaire à l’origine et en apparence seulement, cet effort très tôt et ouvertement devenu un effort collectif, a abouti à un message qui nourri des conclusions que nous avons tirées de la tenue de notre grande conférence technique de Caracas sur « Haïti et ses problèmes : Analyse (diagnostic) et solution (thérapeutique) (1980) et enrichi de l’apport des différents documents, études, monographies, enquêtes et rapports tant nationaux qu’internationaux de ces dernières années, se présente aujourd’hui comme « l’OPTION RDNP : Changer La Vie » (1987). Ce programme est en effet un travail d’équipe auquel ont contribué à depuis les techniciens, professionnels et experts jusqu’aux militants les plus humbles de notre mouvement, mais aussi des consultants divers, sympathisants de notre cause, que nous tenons à remercier ici. Sept ans d’étude des dossiers et de mise à jour de nos analyses et propositions ont eu la chance et le bonheur de pouvoir être confrontés avec un an d’observation critique sur le terrain et de vérification à l’écoute de notre peuple, pour pouvoir mieux l’aider à se sauver lui-même, ou, pour dire les choses plus fortement, selon une expression qui nous est chère, « l’aider à faire sa propre révolution salvatrice ».
On le sait, pour nous l’avoir tant de fois entendu dire depuis 1979, nos sources d’inspiration sont multiples car, dans notre poursuite du bien-être pour tous et du bonheur pour chacun, il ne fait rien renier de bon dans les différentes valeurs constitutives de l’héritage reçu, en osant nous prévaloir, de façon complémentaire et solidaire :
1)D’une conception des privilèges de l’individu et des devoirs du citoyen qui nous vient de la tradition gréco-latine
2)D’une conception de l’éminente dignité de la personne humaine qui nous vient de la tradition humaniste chrétienne
3)D’une conception du dialogue social et du pacte communautaire qui nous vient de la sagesse traditionnelle africaine
4)D’une conception des droits de l’homme et de l’esprit de libre entreprise qui nous vient de la tradition libérale démocratique moderne, produit historique du capitalisme industriel à l’époque de la bourgeoisie conquérante
5)D’une conception de la justice distributive et de l’équité sociale qui nous vient de la tradition humaniste d’un socialisme pluraliste à visage humain, soucieux de la promotion socio-économique des travailleurs
6)Et d’une conception de l’égalité fraternelle des hommes par la réhabilitation de la race noire et de toutes les ethnies opprimées qui nous vient de notre tradition historique nationale.

Aussi dans sa vocation de grand rassembleur, le RDNP offre-t-il une structure unitaire d’accueil à trois familles politiques sous l’égide de notre trinité doctrinale, à savoir la démocratie, le nationalisme et le progressisme, ce dernier entendu dans le sens de la justice sociale par le droit à l’égalité des chances : Les libéraux de progrès soucieux d’équité sociale, les démocrates chrétiens et les sociaux chrétiens sensibles au message progressiste du christianisme social, et les sociaux démocrates et socialistes démocratiques, porteurs d’un humanisme adversaire des injustices sociales. Refusant les extrêmes, à droite comme à gauche, son espace politique se situe donc au centre, avec pour centre de gravité le centre gauche.
Au cœur de la thématique du développement haïtien pour le nouveau projet de société que nous préconisons, se trouve la problématique paysanne que déjà Louis-Joseph Janvier, en une formation encore valable aujourd’hui évoquait en observant que les paysans haïtiens, ce substratum de la nation, étaient pourtant tenus pour des parias, et il s’écriait : « La République sera paysanne ou elle ne sera pas ». Un siècle plus tard, il nous revenait de lui faire écho en écrivant : « Le paysan haïtien c’est la nation haïtienne. Tout le reste est superstructure, tout le reste est artificialité, tout le reste est superficialité. Le paysan haïtien c’est l’Haïtien ». De nos jours, la mode est heureusement de redécouvrir le paysan pour le réhabiliter. Mieux vaut tard que jamais ! Mais ce dont il a le moins besoin, c’est qu’on lui rende le mauvais service de le                                              sacralisé. Pour nous, la paysannerie est le segment le plus représentatif de notre peuple tout entier dans son tissu social multiple, mais elle n’épuise pas à elle seule toute l’haïtianité dont l’originalité et l’authenticité, cependant, s’identifient à elle parce qu’elle est « le pays profond. »
Le peuple haïtien aspire à un changement en profondeur et non à un changement cosmétique comme disent nos amis de la Caraïbe anglophone. Il y a droit, il y a mérite :  Il a donc raison de l’exiger. « L’OPTION RDNP » lui propose la voie du changement véritable et comment « Changer la Vie » Mais notre  conception à la fois personnaliste et communautaire d’un projet de société pluraliste et de participation pour Haïti implique que « c’est d’âme aussi qu’il faut changer » pour atteindre l’idéal du redressement moral impérieux et une véritable révolution des mentalités. Nous du RDNP, nous entendons le relever avec par et pour notre peuple qui est désormais déterminé à associer Démocratie et Développement.
Plus que jamais, la bonne parole de notre évangile politique annoncée dans notre slogan aujourd’hui bien connu et même déjà familier au pays tout entier dans sa quête de lendemains meilleurs, nous sert de cri de ralliement : Pour un grand SURSAUT NATIONAL, L’ALTERNATIVE C’EST NOUS !

Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu'à la victoire finale.

Leslie F. Manigat
Président de la République 1988